La période romaine
[Passation de pouvoir]-[Hérode le grand]-[Une politique contrastée]
[La succession d'Hérode]-[La Palestine sous adminstration romaine]
[La première révolte]-[La seconde révolte]
La période dite « romaine » de l’histoire d’Israël commence de fait en –63 avec la prise de la ville de Jérusalem par Pompée. Toutefois, la dynastie asmonéenne va encore se maintenir quelques années en place. Mais le dernier roi asmonéen, Antigone, va s’impliquer aux côtés des Parthes, ennemis de Rome. Rome va alors jouer la carte iduméenne en offrant au fils d’Antipater, Hérode, le royaume de Judée. En quelques années (-41 à –37), Hérode va réussir à s’imposer, malgré l’opposition de Cléopâtre, la reine lagide d’Egypte, qui revendique également l’autorité sur ces territoires.
Hérode va faire le bon choix et se rallier à Octave après sa victoire à Actium contre les forces de Marc-Antoine et de Cléopâtre (-31). Octave, qui règne désormais sous le nom d’Auguste, offre alors à Hérode les territoires de la Mer Morte, autrefois sous domination égyptienne. Pendant une décennie, Hérode va agrandir encore son royaume en direction de la Syrie. Il entreprend une ambitieuse politique de grandes constructions (forteresses, villes nouvelles, monuments, édifices publics). A Jérusalem, il construit un hippodrome et un théâtre et finance largement une programme de rénovation et d’embellissement du Temple, espérant par cette politique se rendre un peu plus populaire auprès du peuple juif. Le statut d’Hérode vis-à-vis du judaïsme est en effet ambigu : en tant qu’Iduméen, c’est un étranger qui règne à Jérusalem. Mais l’Idumée avait été convertie de force au judaïsme lors de sa conquête par les Asmonéens et Hérode est officiellement juif de religion à défaut de naissance.
En pratique, Hérode gouverne comme les autres souverains hellénisés de l’ancien Orient. D’un côté, il pratique le mécénat et entretient écrivains et artistes. D’un autre, il règne en tyran absolu, éliminant tout ce qui pourrait représenter une menace pour son pouvoir. Il doit maintenir un équilibre délicat entre la loi juive qui régit ses sujets et la loi impériale à laquelle il est soumis en tant que fidèle vassal de Rome. Il va ainsi veiller au respect scrupuleux des lois de pureté du judaïsme dans le cadre du Temple de Jérusalem, tout en construisant un césaréeum dédié au culte impérial à Samarie et à Césarée maritime…
Hérode ne revendique pas d’exercer comme grand-prêtre comme l’on fait ses prédécesseurs asmonéens. Le grand-prêtre est nommé ou limogé selon le bon vouloir du roi (ainsi, ayant nommé comme grand-prêtre un descendant des Asmonéens, Aristobule III, il le fait assassiner moins d’un an après sa prise de fonction…). Hérode peine à acquérir la popularité à laquelle il aspire. Sa politique fiscale, nécessaire pour financer ses grands travaux, pèse lourdement sur l’état. Pour beaucoup, il reste l’instrument de Rome, celui par lequel l’état juif a perdu son indépendance.
Hérode n’était pas libre de léguer son royaume à qui bon lui semble. Il lui fallait l’autorisation de Rome. En -22, il obtient le droit de Rome de désigner un de ses fils comme successeur, ce qui, de fait, l’autorise à fonder une dynastie. Ses deux fils issus de Mariamme, Alexandre et Aristobule, considéraient que leur origine asmonéenne leur conférait une quasi-certitude d’être choisis et ils ne faisaient rien pour dissimuler leur appétit du pouvoir. Devant cette prétention, Hérode fit revenir en -14 à Jérusalem Antipater, le fils qu’il avait eu avec sa première épouse Doris et qui était jusqu’alors en disgrâce. Il espérait que ses fils cadets comprendraient ainsi que l’aîné était toujours en course pour le trône et limiteraient leurs ambitions. Bien évidemment, Antipater profita de ce retour en grâce pour intriguer contre ses demi-frères qu’il juge dangereux pour ses propres ambitions. Lors d’un séjour à Rome où toute la famille est réunie pour fêter l’accession d’Auguste au souverain pontificat (-12), l’empereur force la fratrie à se réconcilier. Hérode doit donc rédiger, sur ordre, un testament où il institue héritiers ses trois fils. Sitôt rentrés à Jérusalem, les intrigues reprennent de plus belle. Hérode finit par croire que ses deux jeunes fils conspirent contre lui. Il les fait arrêter et exécute tous ceux qu’il juge mêlés de près ou de loin au complot. Hérode obtient d’Auguste l’autorisation de juger ses fils pour parricide et les fait aussitôt exécuter après une parodie de procès où ils n’ont même pas eu le droit de comparaître. Il est difficile pour les historiens contemporains de démêler ce qui, dans la présentation de Flavius Josèphe, relève de la propagande anti-Hérode. Plusieurs indices laissent à penser que le roi était effectivement menacé par un complot. Une autre affaire concomitante n’a fait qu’envenimer les choses. Le père d’un des compagnons d’Alexandre, un soldat nommé Tirion, avait ouvertement fait des reproches à Hérode et demandé la grâce des deux princes. Ses propos ont été déformés et Hérode a cru que Tirion s’était juré de lui trancher la gorge. Il avait alors réagit avec sa brutalité coutumière et fait exécuter une quarantaine de personnes dans l’entourage de Tirion. Cette réputation d’un roi prêt à tuer pour défendre son trône influencera de manière décisive le récit de Matthieu sur le massacre des innocents. |
Un roi et de nombreuses épouses... L'arbre généalogique d'Hérode est particulièrement complexe du fait de ses nombreux mariages. En voici une forme simplifiée... Hérode épouse successivement :
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Quoi qu’il en soit, le testament d’Hérode devient caduc après la mort de ses deux fils. Un second testament établit Antipater héritier et en second, si Antipater venait à disparaître prématurément, c’est un fils de Mariamme II, Hérode Philippe, qui hériterait.
Mais Antipater est à son tour victime des soupçons de son père et il doit se disculper auprès de Rome d’un complot dans lequel tremperait aussi Doris et Mariamme II. En attendant l’arbitrage de Rome, Hérode rédige un troisième testament en faveur d’Hérode Antipas, le fils de son épouse samaritaine Malthaké.
Sitôt obtenue l’autorisation d’Auguste, Hérode fait exécuter Antipater. Peu avant de mourir, il rédige un quatrième testament où il divise son royaume : Hérode Antipas serait tétrarque de Galilée, Philippe, son fils issu de Cléopâtre de Jérusalem, tétrarque de Gaulanitide (Iturée et Trachonitide), le titre royal revenant à Archélaos, l’autre fils de Malthaké. A la mort d’Hérode, au printemps –4, Auguste prend son temps pour ratifier le testament d’Hérode. Pendant qu’Archélaos est à Rome en attendant le pouvoir, la révolte s’installe en Palestine et une délégation de 50 notables juifs arrive à Rome pour refuser le choix d’Hérode…
En fin de compte, Auguste nomme Antipas et Philippe comme tétrarques dans les termes du testament. Mais Archélaos n’obtient pas la royauté et doit se contenter pour quelques temps du titre d’ethnarque de Judée et de Samarie. Quelques années plus tard, en 6 AD, Auguste dépose Archélaos et la Judée/Samarie passe sous gouvernement romain direct. Archélaos finira sa vie en exil à Vienne, en Gaule.
La Palestine sous administration romaine
Dès la déposition d’Archélaos, Auguste envoie en Palestine le légat de Syrie Quirinius avec pour mission d’opérer le recensement du pays (pour l’impôt) et de récupérer les biens personnels de l’ethnarque déchu. La Judée passe ensuite sous l’autorité d’un préfet. Ce n’est que sous l’empereur Claude (41-54) que le dirigeant romain sera un procurateur. La mission du procurateur est essentiellement d’ordre financier, à savoir récolter l’impôt pour Rome. Mais Archélaos avait été déposé parce qu’il était incapable d’assurer la paix dans son pays, et il fallait donc que les premiers dirigeants romains soient aussi investis d’un pouvoir de police. Une inscription retrouvée à Césarée applique le titre de préfet de Judée à Ponce Pilate (de 26 à 36). En pratique, quelque soit leur titre, les préfets/procurateurs ont du cumuler les différentes fonctions pour le maintient de l’ordre et la rentrée de l’impôt.
De 6 à 66 (date de la révolte), on constate que la durée du mandat des procurateurs est très variable : 3 ans sous Auguste, 10 ans sous Tibère, 2 ans sous Claude. La plupart sont d’obscurs chevaliers. Ce n’est donc pas l’élite de l’administration romaine qui va s’occuper de la Palestine !
Les procurateurs sont soumis à l’autorité du légat de Syrie, mais sont plutôt autonomes dans le domaine judiciaire, fiscal et policier. Il semble (c’est discuté) qu’ils disposent du jus gladii, du droit du glaive. Normalement, le gouverneur s’occupe du droit des citoyens romains. Les indigènes sont soumis au jus civile qui est l’expression du droit coutumier local. Le gouverneur ne peut condamner à mort un citoyen romain sans que celui-ci puisse en appeler à l’empereur. Le procurateur peut disposer de ces troupes pour faire régner la paix et intervenir directement sans en référer au légat de Syrie. Il est arrivé que des citoyens romains d’origine juive fassent les frais de telles répressions. Le procurateur pouvait être démis de ses fonctions s’il n’exerçait pas bien son travail. Si les plaintes étaient trop nombreuses, l’empereur n’hésitait pas à sacrifier un procurateur pour ramener le calme. C’est ainsi que Pilate a été démis après que les plaintes se soient accumulées à son encontre.
La Galilée demeure sous le gouvernement d’un tétrarque, Hérode Antipas, jusqu’en 39. Celui-ci est resté dans la mémoire pour avoir épousé sa nièce Hérodiade, épisode qui a entraîné l’exécution de Jean-Baptiste. Pour ce faire, Antipas avait répudié sa première épouse, la fille du roi des Nabatéens Arétas. Arétas avait alors attaqué Antipas et mis en déroute ses troupes, forçant le légat de Syrie à intervenir pour châtier le Nabatéen. La populace avait interprété la déroute d’Antipas comme le juste châtiment à l’encontre de l’exécution de Jean-Baptiste.
Lorsque Caligula institua Hérode Agrippa roi de Judée, Antipas pensait recevoir lui aussi la royauté. Il alla donc à Rome en 39 pour demander le titre, mais Hérode Agrippa le dénonça comme conspirateur, et Antipas fut exilé à Lugdunum (plutôt en Espagne qu’à Lyon) où il sera exécuté peu après.
C’est à son amitié avec Caligula qu’Hérode Agrippa dut sa promotion à la royauté. Il récupéra d’abord en 37 le territoire du tétrarque Philippe. Il intercéda auprès de l’empereur en faveur des Juifs pour que ceux-ci soient épargnés par la décision d’ériger une statue de l’empereur au cœur du temple de Jérusalem. Agrippa semble alors avoir joué un rôle en faveur de Claude pour son accession au pouvoir. Claude le récompensa en l’établissant comme roi sur la Judée/Samarie en 42. Mais Agrippa devait succomber à la maladie en 44 et le pouvoir romain récupéra la gestion directe de la Palestine.
La première révolte juive (64-74)
L’occupation romaine a généré de grandes tensions au sein de la société palestinienne du premier siècle. L’incurie des procurateurs, le mépris des occupants pour les populations indigènes, une pression fiscale très forte entraînent régulièrement des soulèvement populaires réprimés avec violence par les troupes auxiliaires romaines. Les autorités religieuses tentent sans succès de négocier avec Rome un assouplissement. Devant cet échec, ce sont les notables de la Judée qui prennent l’initiative de la révolte, en s’associant à la composante populaire la plus hostile aux Romains, les zélotes. Mais cette association ne va pas tenir et la guerre d’indépendance va vite se transformer en guerre civile.
La première intervention romaine, menée en 66 par Cestius Gallus, réussit à mater la Galilée mais échoue dans son assaut contre Jérusalem. Le légat est mis en déroute par les troupes des insurgés et cette victoire va amener les plus modérés des notables à rejoindre les zélotes. Rome tardant à revenir en force, les insurgés se fortifient et se répartissent la défense du territoire, Josèphe (pas encore surnommé Flavius…) assurant le commandement de la Galilée. Les Esséniens sont également partie prenante du combat, notamment sous la direction d’un chef nommé Jean l’Essénien.
La reconquête de la Palestine est confiée par Néron à Vespasien (Titus Flavius). Celui-ci dispose d’une armée de 60000 hommes regroupés autour de 3 légions (Ve Macedonia, Xe Fretensis et XVe Apollinaris dont son fils Titus assurera le commandement). Vespasien commence par attaquer la Galilée. Fin 67, la province est complètement revenue sous contrôle impérial. Josèphe s’est rendu à Vespasien après avoir perdu ses troupes au combat (Vespasien l’affranchira deux ans plus tard et Josèphe deviendra « Falvius » Josèphe en hommage aux Flaviens).
En 68, Vespasien entreprend d’isoler la Judée sans s’attaquer directement à Jérusalem. L’assassinat de Néron vient alors interrompre les opérations militaires. La mort de Néron entraîne une grave crise de succession. Trois empereurs vont se succéder rapidement (Galba, Othon, Vitellius). Vespasien prend (ou se retrouve…) à la tête d’une conjuration. Acclamé par les légions, il dirige les opérations militaires contre Viltellius et réussit à l’éliminer le 20 décembre 69.
Pendant ce temps, les opérations militaires sont en sommeil en Palestine. Jean de Giscala, tenant d’une ligne dure vis-à-vis des Romains, prend de plus en plus d’influence à Jérusalem. Les zélotes, assistés des sicaires (un parti pratiquant avec assiduité l’assassinat politique) prennent le contrôle du Temple et s’opposent ouvertement au parti sacerdotal plus modéré. Les tenants d’une position de négociation avec Rome sont alors éliminés et Jean de Giscala devient le maître de Jérusalem. Pour le contrer, le grand-prêtre Mattathias fait appel à Simon Bar Giora qui assure alors le commandement de l’Idumée. Celui-ci entre en force à Jérusalem et combat les troupes de Jean de Giscala, contraignant ce dernier à se retirer et à se fortifier dans le Temple. La guerre civile a alors remplacé la guerre d’indépendance.
Durant l’hiver 69, Eléazar prend le contrôle des zélotes et les retourne contre Jean de Giscala. De violents combats ont lieu dans le Temple. Début 70, la ville de Jérusalem est ainsi occupée par trois troupes rivales (Jean, Eléazar et Simon) contrôlant chacune un secteur de la cité.
C’est alors que Titus, le fils de Vespasien désormais empereur, entreprend de marcher contre Jérusalem. A l’aide de machines de guerre, Titus réussit à prendre le 3e puis le 2e mur d’enceinte début juin 70. Fin Juillet, la forteresse de l’Antonia qui défendait le Temple est prise par les Romains. L’assaut contre le Temple se poursuit et le sanctuaire est finalement incendié le 30 août. Le 25 septembre, la ville est entièrement capturée et incendiée. Les dernières poches de résistance dans le pays sont ensuite réduites, la dernière étant la forteresse de Massada capturée le 2 mai 73 après le suicide de ses défenseurs.
Les révoltes du 2e siècle
Le monde juif va régulièrement se soulever au cours du 2e siècle, en commençant par la Cyrénaïque en 115. Ces soulèvements sont d’une violence extrême, même pour l’époque (à Cyrène, les insurgés détruisent de nombreux temples et sont même accusés d’avoir pratiqué l’anthropophagie…). Les troupes romaines interviennent alors, parfois à la demande des populations locales terrorisées.
La principale révolte va avoir lieu en Palestine sous la direction d’un insurgé nommé Simon Bar Kosiba. La décision d’Hadrien de fonder en lieu et place de Jérusalem la ville romaine d’Aelia Capitolina en 131 a fortement contribuée au déclenchement de cette révolte, mais le terrain a été également préparé par l’émergence d’une littérature messianique apocalyptique annonçant l’imminente intervention de Dieu pour libérer son peuple.
Simon a certainement des prétentions messianiques. Il va adopter le nom de « bar Khokhbas », c’est à dire « fils de l’étoile» (Nb 24,17) et sera même reconnu comme messie officiel par le maître pharisien Rabbi Aqiba.
L’attaque de Simon en 132 prend les Romains par surprise et la XXIIe légion Deiotariana est complètement anéantie ! Pour rétablir la situation, Rome devra engager le tiers de ses légions dans le conflit. En 135, les dernières troupes de Simon sont détruites. Simon et Rabbi Aqiba seront alors exécutés. Le projet d’Hadrien peut alors s’accomplir. Jérusalem devient une ville romaine connue sous le nom d’Aelia Capitolina. La Palestine devient province de Syrie Palestine et passe sous le gouvernement d’un légat propréteur de rang consulaire.