Épître aux Hébreux
Cette épître se présente comme une sorte d'homélie au cours de laquelle l'auteur va abondamment s'appuyer sur des citations de l'ancien Testament pour fonder son argumentation. Comme le titre de la lettre l'indique, les destinataires sont probablement des chrétiens d'origine juive (judéo-chrétiens). Ils peuvent être localisés à Jérusalem, mais il est possible aussi que ces destinataires habitent une autre ville de l'empire romain. Le titre "aux Hébreux" est ancien. Il est attesté dès le 2e siècle à Alexandrie.
L'auteur de l'épître se fonde sur la version grecque (LXX) de l'ancien Testament et ne semble pas avoir lui-même d'attache particulière au judaïsme. Il reflète une pensée hellénistique et pratique une exégèse de type allégorique. Il exploite de manière originale la figure vétérotestamentaire de Melkisédeq, un personnage assez mystérieux évoqué en Gn 14,18-20 et dans le Ps 110,4. Pour l'auteur, Melkisédeq est la figure qui anticipe le Christ en tant que Grand Prêtre. Cette théologie très originale est propre à cette épître.
La théologie de l'épître est assez complexe: par sa mort, Jésus fonde une alliance nouvelle, mais cette alliance est elle-même le modèle céleste idéal sur lequel la première alliance a été fondée. Dès lors, tous les éléments de l'alliance avec Moïse peuvent être compris comme étant l'ombre ou l'image de cette nouvelle alliance. L'émergence de celle-ci rend caducs les sacrifices de l'ancienne alliance.
Prologue (1,1-4)
Partie dogmatique (1,5-10,18)
Partie morale (10,19-13,19)
Bénédiction finale dédoublée (13,20-25)
La date, l'auteur et le lieu de rédaction de cette lettre sont encore partiellement des énigmes. Un des rares indices quand au lieu de rédaction se trouve en 13,24 (ceux d'Italie vous saluent), mais il s'agit d'une bénédiction probablement ajoutée secondairement au document, et qui sert à rattacher cette lettre au corpus paulinien. En déduire que le texte d'origine a été composé à Rome devient donc problématique pour l'historien.
La date de rédaction peut être placée dans la fourchette 60-90. A la fin du premier siècle, Clément de Rome connaît cette épître et la cite dans sa première lettre aux Corinthiens. Par ailleurs, la lettre aux Hébreux n'est pas un écrit de première génération chrétienne. Cela fait déjà quelque temps que ses destinataires se sont convertis (5,12). La mention des persécutions ne permet pas d'affiner la date, mais il est possible que 8,13 se réfère à la destruction du Temple de Jérusalem en 70.
La question de l'auteur est très controversée. La seconde bénédiction fait le lien avec Paul, mais les auteurs anciens comme Clément d'Alexandrie ou Origène avaient déjà repéré que la forme et le style n'étaient en rien comparable aux autres lettres de Paul. Pour Clément, le rédacteur de la lettre aurait pu être l'évangéliste Luc. Pour Eusèbe de Césarée, ce pourrait être Clément de Rome (Hist. Eccl. VI 14,13; 25,12 ; 25,14), même s'il est possible que Paul en ait inspiré le contenu. L'épître aux Hébreux n'apparaît pas dans le Canon de Muratori vers 200, mais elle va entrer ensuite dans les autres Canons, Augustin et Jérôme ayant plaidé en faveur de l'origine paulinienne de la lettre.
D'autres auteurs ont été depuis proposés. Pour Tertullien (155-220), ce pourrait être Barnabé, le compagnon de Paul, ce qui expliquerait la tournure hellénistique du raisonnement. Pour Luther, l'auteur serait Apollos, le prédicateur originaire d'Alexandrie. Bien d'autres personnages de l'entourage de Paul ont également été proposés (Sylvain, Priscille, Aristion, Timothée).
Que sait-on de fait grâce à l'épître elle-même: l'auteur est un homme, un chrétien (pagano ou judéo-chrétien, difficile à dire). Il pratique la lecture allégorique que l'on rencontre dans les écoles stoïciennes et néo-platoniciennes et qui a marqué le judaïsme hellénistique comme par ex. chez Philon d'Alexandrie. Il appartient à la seconde génération chrétienne (2,3) et connaît des traditions de lecture que l'on trouve également dans la littérature de Qumrân ou chez les pré-gnostiques d'Égypte.
Un texte représentatif : Jésus le grand prêtre parfait (9,1-27)
9,1 La première alliance, elle aussi, avait donc des institutions cultuelles ainsi qu'un sanctuaire, celui de ce monde. 2 Une tente, en effet - la tente antérieure - avait été dressée ; là se trouvaient le chandelier, la table, et l'exposition des pains ; c'est celle qui est appelée : le Saint. 3 Puis, derrière le second voile était une tente appelée Saint des Saints, 4 comportant un autel des parfums en or et l'arche de l'alliance entièrement recouverte d'or, dans laquelle se trouvaient une urne d'or contenant la manne, le rameau d'Aaron qui avait poussé, et les tables de l'alliance ; 5 puis au-dessus, les chérubins de gloire couvrant d'ombre le propitiatoire. Ce n'est pas le moment de parler de tout cela en détail. 6 Tout étant ainsi disposé, les prêtres entrent en tout temps dans la première tente pour s'acquitter du service cultuel. 7 Dans la seconde, au contraire, seul le grand prêtre pénètre, et une seule fois par an, non sans s'être muni de sang qu'il offre pour ses manquements et ceux du peuple. 8 L'Esprit Saint montre ainsi que la voie du sanctuaire n'est pas ouverte, tant que la première Tente subsiste.
9 C'est là une figure pour la période actuelle ; sous son régime on offre des dons et des sacrifices, qui n'ont pas le pouvoir de rendre parfait l'adorateur en sa conscience ; 10 ce sont des règles pour la chair, ne concernant que les aliments, les boissons, diverses ablutions, et imposées seulement jusqu'au temps de la réforme.
11 Le Christ, lui, survenu comme un grand prêtre des biens à venir, traversant la tente plus grande et plus parfaite qui n'est pas faite de main d'homme, c'est-à-dire qui n'est pas de cette création, 12 entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle.
13 Si en effet du sang de boucs et de taureaux et de la cendre de génisse, dont on asperge ceux qui sont souillés, les sanctifient en leur procurant la pureté de la chair, 14 combien plus le sang du Christ, qui par un Esprit éternel s'est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des oeuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant. 15 Voilà pourquoi il est médiateur d'une nouvelle alliance, afin que, sa mort ayant eu lieu pour racheter les transgressions de la première alliance, ceux qui sont appelés reçoivent l'héritage éternel promis.
16 Car là où il y a testament, il est nécessaire que la mort du testateur soit constatée. 17 Un testament, en effet, n'est valide qu'à la suite du décès, puisqu'il n'entre jamais en vigueur tant que vit le testateur.
18 De là vient que même la première alliance n'a pas été inaugurée sans effusion de sang.
19 Effectivement, lorsque Moïse eut promulgué au peuple entier chaque prescription selon la teneur de la Loi, il prit le sang des jeunes taureaux et des boucs, avec de l'eau, de la laine écarlate et de l'hysope, et il aspergea le livre lui-même et tout le peuple 20 en disant : Ceci est le sang de l'alliance que Dieu a prescrite pour vous. 21 Puis, de la même manière, il aspergea de sang la Tente et tous les objets du culte. 22 D'ailleurs, selon la Loi, presque tout est purifié par le sang, et sans effusion de sang il n'y a point de rémission.
23 Il est donc nécessaire, d'une part que les copies des réalités célestes soient purifiées de cette manière, d'autre part que les réalités célestes elles-mêmes le soient aussi, mais par des sacrifices plus excellents que ceux d'ici-bas.
24 Ce n'est pas, en effet, dans un sanctuaire fait de main d'homme, dans une image de l'authentique, que le Christ est entré, mais dans le ciel lui-même, afin de paraître maintenant devant la face de Dieu en notre faveur. 25 Ce n'est pas non plus pour s'offrir lui-même à plusieurs reprises, comme fait le grand prêtre qui entre chaque année dans le sanctuaire avec un sang qui n'est pas le sien, 26 car alors il aurait dû souffrir plusieurs fois depuis la fondation du monde. Or c'est maintenant, une fois pour toutes, à la fin des temps, qu'il s'est manifesté pour abolir le péché par son sacrifice. 27 Et comme les hommes ne meurent qu'une fois, après quoi il y a un jugement, 28 ainsi le Christ, après s'être offert une seule fois pour enlever les péchés d'un grand nombre, apparaîtra une seconde fois - hors du péché - à ceux qui l'attendent, pour leur donner le salut.