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Job

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[La théologie de la rétribution] [satan]


puce La question de la rétribution

   

Le livre de Job se présente comme une réflexion théologique "scénarisée" dont le centre est la question de la rétribution. La rétribution est une question qui traverse toute la Bible. Il s'agit de déterminer comment Dieu "rétribue" les hommes en fonction de leurs actions. La rétribution peut donc prendre deux formes principales : la récompense des justes et la sanction des pécheurs.

Anciennes représentations de la rétribution

   

Dans la forme la plus archaïque, la théologie de la rétribution envisage la récompense des justes sous la forme de la bénédiction patriarcale: une longue et heureuse vie sur la terre, accompagnée d'une nombreuse descendance. La mort arrive au terme d'une vieillesse paisible et ne s'accompagne d'aucune angoisse. La vie du patriarche Abraham telle qu'elle est décrite dans le livre de la Genèse illustre cette bénédiction.

La rétribution / sanction du pécheur est bâtie sur le modèle inverse: une vie brève et malheureuse, et surtout une mort sans descendance, traduisant l'échec ultime d'une vie selon ce type de représentation.

On notera que, dans les deux cas, la rétribution est strictement terrestre. Récompense et punition s'obtiennent dans le cours de la vie terrestre de l'homme. La destinée de l'homme après la mort est commune aux justes et aux pécheurs. Tous descendent au Shéol, un séjour des morts assez imprécis, où les humains mènent indéfiniment une existence larvaire, oubliés de tous, incapables semble-t-il d'éprouver joie ou souffrance.
 

Le problème du livre de Job

    L'auteur de Job part d'une constatation évidente: le modèle précédemment décrit ne marche pas! Une question le taraude: comment dans ce cadre expliquer la souffrance du juste ? Normalement, le juste devrait jouir d'une existence agréable sur la terre. Pourquoi donc des justes sont-ils confrontés à la maladie ou à la mort de leur descendance ? Pour résoudre cette question, l'auteur va organiser sa réflexion autour d'un exemple qu'il présente presque comme un problème de mathématique : soit un homme juste, appelé Job... La question n'est pas bien sûr de se prononcer sur la justice de Job. Elle fait partie de l'énoncé du problème. Ce juste va être confronté à de terribles épreuves, illustrant ainsi le cas de figure du juste souffrant. L'auteur va alors faire intervenir plusieurs personnages, présentés comme des amis de Job, qui vont dialoguer avec lui pour essayer de comprendre ce qui lui arrive. Ces amis sont les défenseurs de l'ancienne théologie. Ils vont donc essayer de prouver la culpabilité de Job, puisque, selon eux, sa souffrance est la preuve de son péché!

Job finira par en appeler au jugement même de Dieu. Celui-ci intervient à la fin du débat et réduit au silence les protagonistes. Devant la gloire de Dieu, Job abandonne son attitude de révolte, mais le Seigneur ne donne pas la réponse à l'énigme de la souffrance du juste.
 

Une impasse théologique ?

   

Dans son état actuel, le livre de Job constate l'échec de l'ancienne théologie, mais il ne propose pas de solution alternative. Aussi le livre se termine en envisageant un retour aux conditions initiales. Job guérit de ses maux, retrouve ses richesses et une nouvelle descendance! La souffrance du juste ne saurait-elle être que transitoire et exceptionnelle ?

lunettesPrincipales étapes de la théologie de la rétribution

La théologie deutéronomiste
Il s'agit de la théologie la plus ancienne et finalement la plus classique de la rétribution, telle qu'elle se présente au début de l'exil à Babylone, au sein de l'école rédactionnelle responsable de la grande histoire d'Israël qui va de l'Exode à la fin du livre des Rois. Pour cette école,
  • La rétribution est collective. Autrement dit, on peut payer pour les fautes d'un autre, qu'il s'agisse d'un contemporain ou d'un ancêtre. Exemple de cette théologie: l'histoire du recensement d'Israël entrepris par David en 2S 24. Comme le recensement est interdit, le Seigneur décide de punir David et lui propose de choisir entre trois châtiment qui, tous, vont frapper le peuple, mais pas le roi!
  • La rétribution est différée. Du temps s'écoule entre le moment où le crime est commis et celui où il est sanctionné. Si bien que ce sont souvent les fils qui payent pour les fautes des pères. Un dicton fréquemment cité en Israël résume cela Les pères ont mangés des raisins verts et les dents des fils ont été agacées (Ez 18,2). De là vient l'affirmation archaïque selon laquelle Dieu poursuit le crime sur deux ou trois générations.
  • La rétribution est cumulative. Le péché s'accumule au fil du temps et le châtiment n'intervient que lorsque le poids accumulé de ce péché finit par être trop lourd. Malheur alors à la génération qui reçoit la rétribution d'une faute remontant à des siècles de péchés additionnés. C'est ainsi que le Deutéronomiste explique l'exil à Babylone: cette génération ne fait que payer pour un crime accumulé depuis les origines de la royauté.
  • Enfin, la rétribution est strictement terrestre. Le juste est récompensé par une longue et heureuse vie, avec de nombreux descendants. Le pécheur meurt jeune et stérile, après avoir échoué dans toutes ses entreprises.
La réaction du prophète Ezéchiel
Au début de Exil, Ezéchiel va contrer cette théologie deutéronomiste. Son argumentation se développe principalement dans le chapitre 18. Selon Ezéchiel,
  • La rétribution est strictement individuelle. On ne paye que pour ses propres fautes, jamais pour les fautes d'un autre. Le péché d'un homme ne peut être payé par un autre, mais la justice d'un homme ne peut pas non plus bénéficier à un autre.
  • La rétribution est immédiate. La faute ne passe pas de génération en génération. Chaque époque est châtiée pour ses propres crimes. Chaque homme est immédiatement sanctionné, sans délai. Si un homme change de vie (un pécheur qui devient juste ou un juste qui devient pécheur), seul l'état actuel de son mode de vie sera rétribué. On ne se souviendra ni de sa justice ni de son péché d'autrefois. Ezéchiel rejette ainsi toute idée de "moyenne" entre les bonnes et les mauvaises actions de l'homme.
  • La rétribution est toujours terrestre.
Job
Le livre de Job conteste  la théologie deutéronomiste et celle d'Ezéchiel en évoquant le cas du juste souffrant. Mais cette souffrance reste sans explication.  
La révolution du deutéro-Isaïe
Vers la fin de l'Exil, un prophète anonyme (qui sera rattaché par la tradition au prophète Isaïe et formera donc la seconde partie du livre (chapitres 40-55) introduit une nouveauté dont le caractère révolutionnaire ne sera vraiment repris que par le Nouveau Testament. Le deutéro-Isaïe aborde au chapitre 53 le même cas de figure que Job, à savoir celui du juste souffrant. Mais il va beaucoup plus loin que Job. Dans le deutéro-Isaïe, pas de happy end: le juste souffrant meurt méprisé de tous. Mais le prophète révèle que cette souffrance n'est pas absurde ou injuste. Contrairement à ce qu'annonçait Ezéchiel, la souffrance du juste peut sauver les pécheurs (Is 53,5).
La résurrection des morts
(Daniel, Maccabées, Nouveau Testament)
Ce n'est qu'au cours de la période grecque que la théologie de la rétribution va pouvoir sortir de l'impasse. Jusqu'alors, tous les modèles envisageaient une rétribution terrestre. Avec la notion de résurrection des morts, il devient désormais possible d'envisager une rétribution après la mort. La récompense du juste ou la sanction du pécheur ne se déroulent plus sur la terre durant sa vie, mais dans l'au-delà après sa mort. 

 

pucePlan et résumé

I- Prologue (1-2)

  • Présentation de Job, un homme riche et pourvu d'une nombreuse descendance (1,1-5)
  • Première intervention du satan qui obtient de frapper job dans ses possessions et ses enfants (1,6-22)
  • Seconde intervention du satan qui obtient de frapper Job dans sa chair (2,1-10)
  • Présentation des amis de Job qui vont débattre avec lui (2,11-13)
  • lampedu satan à Satan

    A l'origine, "satan" est un nom commun qui dans la langue hébraïque désigne l'adversaire. Plus spécifiquement, cela devient le nom de l'accusateur public au tribunal. Dans le livre de Job, le "satan" est un ange qui espionne les hommes et les accuse ensuite devant le tribunal divin. On comprend pourquoi le vertueux Job excite sa rancoeur, car il semble bien être le seul homme impossible à accuser en raison de sa grande justice. On retrouve un rôle similaire du satan dans le livre de Zacharie où il est chargé d'accuser le grand-prêtre Josué. Face au satan se tient un autre ange qui joue le rôle d'avocat de la défense.
    Ce n'est que plus tardivement que le terme va devenir un nom propre (on l'écrira en français avec une majuscule). Satan reste un ange, mais représente désormais un ange rebelle. Il demeure un adversaire, mais c'est désormais à Dieu et à ses fidèles qu'il s'oppose. Le Nouveau Testament, et tout spécialement l'Apocalypse (au chapitre 12 notamment) font de Satan l'ennemi de Dieu et des hommes, un ange rebelle et déchu acharné à la perte de l'humanité.

    II- Série de dialogues

    A- Première série (3,1-14,22)
    • Job maudit le jour de sa naissance (3,1-26)
    • Intervention d'Eliphaz (4,1-5,27)
    • Réponse de Job (6,1-7,21)
    • Intervention de Bildad (8,1-22)
    • Réponse de Job (9,1-10,22)
    • Intervention de Sophar (11,1-20)
    • Réponse de Job (12,1-14,22)
    B- Deuxième série (15,1-21,34)
    • Intervention d'Eliphaz (15,1-35)
    • Réponse de Job (16,1-17,16)
    • Intervention de Bildad (18,1-21)
    • Réponse de Job (19,1-29)
    • Intervention de Sophar (20,1-29)
    • Réponse de Job (21,1-34)
    C- Troisième série (22,1-27,23)
    • Intervention d'Eliphaz (20,1-30)
    • Réponse de Job (23,1-24,17)
    • Discours de Sophar (24,18-25)
    • Intervention de Bildad (25,1-6)
    • Réponse de Job (26,1-4)
    • Reprise de Bildad (26,5-14)
    • Nouvelle réponse de Job (27,1-12)
    • Intervention de Sophar (27,13-23)
    D- Eloge de la sagesse (28,1-28)
    E- Grand discours de Job (29,1-31,40)
    • Le temps d'autrefois (29,1-25)
    • La détresse d'aujourd'hui (30,1-31)
    • Affirmation de l'innocence de Job (31,1-40)
    F- Les interventions d'Elihou (32,1-37,24)
    • Présentation du quatrième intervenant (32,1-5)
    • Première intervention (32,6-33,33)
    • Deuxième intervention (34,1-37)
    • Troisième intervention (35,1-16)
    • Quatrième intervention (36,1-37,24)
    G- La confrontation de Job avec Yahvé (38,1-42,6)
    • Discours de Yahvé (38,1-40,2)
    • Réponse de Job (40,3-5)
    • Nouveau discours de Yahvé (40,6-41,26)
    • Réponse finale de Job (42,1-6)

    III- Epilogue

    Job retrouve la santé et récupère tous ses biens (42,7-17)

     

    puceHistoire de la rédaction

       

    Elle est très complexe et les commentateurs hésitent sur la datation de l'ensemble. Le livre est très certainement postérieur au prophète Jérémie qui l'inspire à plusieurs reprises. Il s'agit probablement d'un ouvrage exilique ou peut-être post-exilique. Plusieurs auteurs y ont contribué. On y repère assez facilement des pièces additionnelles, comme le discours sur la Sagesse et surtout l'intervention du quatrième personnage, Elihou, qui semble totalement ignoré par la rédaction des chapitres suivants.

    Le texte de Job a été écrit en hébreu, et a été fort mal conservé. On y trouve divers déplacements de texte, des redites et même des absences (le troisième discours de Sophar). Ainsi, on ne sait parfois pas trop qui parle, et Job est amené à prononcer des paroles qui à l'origine devaient être dites par ses amis! La traduction grecque de la Septante ne donne pas un meilleur texte, car le traducteur l'a sensiblement raccourci et en a expurgé tout ce qui pouvait déplaire à un public nourri de culture et de langue grecque. C'est encore la version latine de Jérôme qui reste le meilleur travail de traduction du livre de Job

    puceUn texte représentatif: la seconde intervention d'Eliphaz et la réponse de Job (15,1-16,32)

    15:1 Éliphaz de Témân prit la parole et dit :
    2 Un sage répond-il par des raisons en l'air, et se repaît-il d'un vent d'est ? 3 Se défend-il avec des mots inutiles et des discours sans profit ? 4 Tu fais plus : tu supprimes la piété, tu discrédites les pieux entretiens devant Dieu. 5 Ta faute te dicte de telles paroles et tu choisis le langage des gens habiles. 6 Ta propre bouche te condamne, et non pas moi, tes lèvres mêmes témoignent contre toi. 7 Es-tu né le premier des hommes ? Est-ce qu'on t'enfanta avant les collines ? 8 As-tu écouté au conseil de Dieu et accaparé la sagesse ? 9 Que sais-tu que nous ne sachions, que comprends-tu qui nous dépasse ? 10 Il y a même parmi nous une tête chenue, un vieillard, chargé d'ans plus que ton père. 11 Fais-tu peu de cas de ces consolations divines et du ton modéré de nos paroles ? 12 Comme la passion t'emporte! Et quels yeux tu roules, 13 quand tu tournes contre Dieu ta colère en proférant tes discours! 14 Comment l'homme serait-il pur, resterait-il juste, l'enfant de la femme ? 15 À ses saints mêmes Dieu ne fait pas confiance, et les Cieux ne sont pas purs à ses yeux. 16 Combien moins cet être abominable et corrompu, l'homme, qui boit l'iniquité comme l'eau! 17 Je vais t'instruire, écoute-moi, et ce que j'ai vu, je vais te le raconter, 18 ce que disent les sages, ce qu'ils ne cachent pas et qui vient de leurs pères, 19 à qui seuls fut donné le pays, sans qu'aucun étranger fût passé parmi eux. 20 " La vie du méchant est un tourment continuel, les années réservées au tyran sont comptées. 21 Le cri d'alarme résonne à ses oreilles, en pleine paix le dévastateur fond sur lui. 22 Il ne croit plus échapper aux ténèbres car on le guette pour l'épée, 23 assigné en pâture au vautour. Il sait que sa ruine est imminente. L'heure des ténèbres 24 l'épouvante, la détresse et l'angoisse l'envahissent, comme lorsqu'un roi s'apprête à l'assaut. 25 Il levait la main contre Dieu, il osait braver Shaddaï! 26 Il fonçait sur lui tête baissée, avec un bouclier aux bosses massives. 27 Son visage s'était couvert de graisse, le lard s'était accumulé sur ses reins. 28 Il avait occupé des villes détruites, des maisons inhabitées et prêtes à tomber en ruines; 29 mais il ne s'enrichira pas, sa fortune ne tiendra pas, il ne couvrira plus le pays de son ombre, 30 il n'échappera pas aux ténèbres , la flamme desséchera ses jeunes pousses, sa fleur sera emportée par le vent. 31 Qu'il ne se fie pas à sa taille élevée, car il se ferait illusion. 32 Avant le temps se flétriront ses palmes et ses rameaux ne reverdiront plus. 33 Comme une vigne il secouera ses fruits verts, il rejettera, tel l'olivier, sa floraison. 34 Oui, l'engeance de l'impie est stérile, un feu dévore la tente de l'homme vénal. 35 Qui conçoit la souffrance engendre le malheur et prépare en soi un fruit de déception. "

    16:1 Job prit la parole et dit :
    2 Que de fois ai-je entendu de tels propos, et quels pénibles consolateurs vous faites! 3 " Y aura-t-il une fin à ces paroles en l'air ? " Ou encore : " Quel mal te pousse à te défendre ? " 4 Oh! moi aussi, je saurais parler comme vous, si vous étiez à ma place; je pourrais vous accabler de discours en hochant la tête sur vous, 5 vous réconforter en paroles, puis cesser d'agiter les lèvres. 6 Mais quand je parle, ma souffrance ne cesse pas, si je me tais, en quoi disparaît-elle ? 7 Et maintenant elle me pousse à bout; tu as frappé d'horreur tout mon entourage 8 et il me presse, mon calomniateur s'est fait témoin, il se dresse contre moi, il m'accuse en face; 9 sa colère déchire et me poursuit, en montrant des dents grinçantes. Mes adversaires aiguisent sur moi leurs regards, 10 ouvrent une bouche menaçante. Leurs railleries m'atteignent comme des soufflets; ensemble ils s'ameutent contre moi. 11 Oui, Dieu m'a livré à des injustes, entre les mains des méchants, il m'a jeté. 12 Je vivais tranquille quand il m'a fait chanceler, saisi par la nuque pour me briser. Il a fait de moi sa cible : 13 il me cerne de ses traits, transperce mes reins sans pitié et répand à terre mon fiel. 14 Il ouvre en moi brèche sur brèche, fonce sur moi tel un guerrier. 15 J'ai cousu un sac sur ma peau, jeté mon front dans la poussière. 16 Mon visage est rougi par les larmes et l'ombre couvre mes paupières. 17 Pourtant, point de violence dans mes mains, et ma prière est pure. 18 O terre, ne couvre point mon sang, et que mon cri monte sans arrêt. 19 Dès maintenant, j'ai dans les cieux un témoin, là-haut se tient mon défenseur. 20 Interprète de mes pensées auprès de Dieu, devant qui coulent mes larmes, 21 qu'il plaide la cause d'un homme aux prises avec Dieu, comme un mortel défend son semblable. 22 Car mes années de vie sont comptées, et je m'en vais par le chemin sans retour.


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