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Le deuxième Isaïe
(Is 40-55)

lampe Fiche technique: qu'est-ce qu'un prophète ?

CONTEXTE PLAN THÈMES TEXTE


puce Le contexte historique

    

Le contexte historique du second Isaïe est radicalement différent de celui du premier prophète de ce nom. Bien qu'il n'existe pas d'en-tête indiquant un repère chronologique sous la forme d'un nom de roi par exemple, il n'est pas très difficile de repérer l'arrière-plan historique. En effet, il existe une figure qui domine la première partie du livre : le roi de Perse Cyrus. On se situe donc dans le cadre de la période exilique, et plus précisément vers la fin de l'exil, entre -550 et -539.
    Le livre du second Isaïe couvre les chapitres 40 à 55. En fait, une analyse du texte révèle qu'il y a deux grandes sections dans cet ouvrage, correspondant probablement à deux périodes de rédaction :
 

Les chapitres 40-48

Ils appartiennent à la première phase du ministère du prophète. On y trouve essentiellement quatre préoccupations:

  • Les exilés sont tentés de céder au découragement, et le prophète va réconforter les déportés, en rappelant que leur Dieu est le Dieu créateur, donc tout-puissant sur l'ensemble des composantes de l'univers. Il rappelle aussi que Israël a été élu par le Seigneur et que cela lui confère un statut unique au sein de la création.
  • Certains exilés accusent le Seigneur d'ingratitude envers son peuple. Le prophète réagit vigoureusement à ces accusations et les retourne contre eux, en rappelant le péché du peuple.
  • Nombreux sont les exilés séduits par les dieux babyloniens. Le prophète va donc fortement insister sur ce péril en dénonçant l'impuissance des idoles et l'inutilité du culte qui leur est rendu. 
  • Enfin, beaucoup de Juifs sont choqués par le choix du Seigneur de Cyrus, un roi païen, pour libérer son peuple. Cette section du livre a pour but de montrer à ces rétifs que Cyrus est bien le serviteur et le messie du Seigneur.

Les chapitres 49-55

A partir du ch. 49, le ton change et on entre dans une seconde phase du ministère du prophète. Les thèmes polémiques du début du livre ne sont pas repris, et nombre de commentateurs pensent que l'auditoire du prophète a changé. Dans la première partie du livre, il s'adresse à l'ensemble des exilés, avec tous les rebelles que cela suppose si on en croit le livre d'Ezéchiel. A partir du ch. 49, le second Isaïe semble s'adresser à des fidèles du Seigneur, à des convaincus, au « petit reste » de la maison d'Israël qui va finalement hériter des promesses. 
La dominante de cette section est bien la promesse de restauration, de retour au pays, de salut imminent. Il s'agit d'encourager une minorité souvent persécutée par les autres exilés qui n'entrent pas dans cette façon de voir. 
On voit également se développer le thème de l'universalité du salut. Les nations ne sont plus présentées comme les ennemis de Dieu, mais comme des peuples en attente de conversion. Le rôle d'Israël, ou tout du moins de ce petit reste humilié, va être d'évangéliser ces peuples et de les amener à reconnaître le seul vrai Dieu, le Seigneur. 

 

puce Plan

I- La toute-puissance du Dieu créateur

II- Présentation de Cyrus

III- L'annonce de la chute de Babylone et du retour d'exil

IV- Le retour d'exil

puce Grands axes de la prophétie

    Un Dieu unique et efficace

   

L'exil avait profondément fait douter Israël sur la capacité de son Dieu à conduire l'histoire et à sauver son peuple. La question se posait même de la force de Dieu face à celle des dieux des nations apparemment plus puissants. A ces interrogations, le prophète répond par une théologie novatrice:

  • Dieu est Créateur. C'est lui qui a tout fait, la terre et le ciel. Il est aussi le créateur de l'homme, de toute l'humanité. En affirmant qu'il y a un seul Dieu, ce Dieu est donc le père de tous les peuples. On dépasse ainsi la relation particulière Dieu/Israël. Le spécifique d'Israël n'est pas d'avoir « son » Dieu, mais de connaître de manière privilégiée le seul Dieu créateur de tous les hommes et donc Dieu de tous les hommes. 

  • Dieu est Rédempteur. Cette puissance de Dieu se révèle à tous les hommes (païens et Israël) à travers une oeuvre de libération. Il s'agit de libérer son peuple en utilisant comme libérateur un païen qui n'appartient pas à son peuple, et qui cependant va être qualifié de serviteur de Yahvé et de messie de Yahvé.  Ainsi Dieu pourra-t-il être qualifié de « juste et sauveur ». 

lampeLe vocabulaire de la rédemption

Le mot français "rédempteur" traduit le terme hébreu  "go'el", terme formé sur une racine qui signifie "racheter". 
Dans la société hébraïque, le go'el est un personnage important, généralement un proche parent, qui intervient lorsqu'un membre de sa famille est en difficulté. Il peut s'agir d'un Hébreu devenu esclave, ou d'un Hébreu qui a dû vendre la terre de ses ancêtres. Dans les deux cas, le rôle du go'el va être de racheter la victime ou son bien. Un autre cas de figure est l'intervention du go'el pour venger un membre de sa famille assassiné. Enfin le go'el a aussi pour responsabilité d'épouser la veuve d'un de ses frères mort sans enfants afin d'assurer une descendance à son frère.
Le go'el est celui qui met au point une opération de délivrance des captifs. Cela peut se passer par le rachat du prisonnier, mais aussi parfois par la mise en place d'une opération commando afin de le délivrer si les négociations ont échoué. Le go'el est donc prêt à se glisser derrière les lignes ennemis pour libérer les captifs, et parfois au péril de sa vie. La motivation principale du go'el est toujours la proximité avec la victime: lien familial débouchant sur un lien d'amour. 

 

    Penser la destinée d'Israël au milieu des nations

   

Puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, il va falloir repenser la place d'Israël parmi les nations. Le statut particulier d'Israël n'est pas remis en question: il reste le peuple de Dieu. Mais sa mission prend un contour nouveau. Le salut d'Israël, qui va prendre concrètement la forme de la libération d'exil et du retour sur la terre, ne saurait être un simple retour à la situation antérieure. Un nouveau rapport va s'instaurer entre Israël et les nations. Ces dernières cessent d'être seulement des ennemis, tantôt plus forts, tantôt vaincus par le Seigneur et asservis à Israël. Il n'y a qu'une seule humanité et tous les hommes sont appelés à connaître intimement Dieu comme Israël le connaît. Israël va donc devenir le peuple chargé d'annoncer aux hommes ce Dieu unique qui est aussi leur Dieu. C'est une mission d'évangélisation, une bonne nouvelle qui commence par l'annonce de la libération d'Israël et qui culmine avec la venue des peuples à Jérusalem pour reconnaître l'unique Dieu créateur et sauveur de tous les hommes.
 

     Penser l'universalité du salut: la mission des serviteurs

   

Le second Isaïe est clair sur ce point: le projet de Dieu est de sauver tous les hommes. Ce salut universel commence par le salut d'Israël. Le salut d'Israël passe par la mission d'un premier serviteur, le païen perse Cyrus. C'est lui que le Seigneur a choisi pour accomplir son dessein. Cyrus est son instrument, même s'il ne le connaît pas. Mais Cyrus n'est pas qu'un instrument comme avait pu l'être Nabuchodonosor, un simple rasoir qu'on loue et que l'on jette lorsqu'il est usé. Cyrus est le serviteur du Seigneur, mais aussi son messie, celui qu'il comble d'honneur pour le bien d'Israël.

L'action de Cyrus ne se limite pas à libérer Israël. Par sa victoire sur Babylone, il va libérer tous les autres peuples que les Babyloniens tenaient captifs. Avec Cyrus s'ébauche l'idée d'un salut plus vaste. Mais la mission de Cyrus va laisser le pas à la mission d'un autre serviteur, qui cette fois appartient à Israël. Ce serviteur est parfois assimilé au prophète lui-même, parfois à un groupe plus large, quoique minoritaire en Israël. Il s'agit des justes, des fidèles au Seigneur. La mission de ce serviteur est d'annoncer ce salut et d'y contribuer par sa attitude de confiance et d'abandon entre les mains du Seigneur à travers les épreuves qu'il endure sans en être responsable.

Cette annonce du salut d'Israël et des nations par la justification obtenue par le serviteur pris au sein du peuple va trouver son aboutissement en Jésus. Le second Isaïe est le prophète qui anticipe le plus les grandes nouveautés du Nouveau Testament.
 

puce Des textes représentatifs: les cantiques du serviteur

 

lunettesL'épineuse question des cantiques du serviteur

   

Si vous avez lu avec attention le plan ci-dessus, vous avez rencontré à quatre reprises une référence aux "cantique du serviteur". Derrière ces mots anodins se dissimule un thème très important chez le deutéro-Isaïe et aussi beaucoup de difficultés. Pour y voir plus clair commençons par une petite analyse de vocabulaire.

Le mot « serviteur » est fréquemment employé par le second Isaïe:

   

En 1892, un exégète allemand du nom de Duhm s'est focalisé sur ces passages où le serviteur n'est pas identifié et a dégagé ce que l'on appelle depuis les quatre « cantiques (chants, poèmes) du serviteur ». Son commentaire est pratiquement devenu une sorte de dogme voulant que
    - ces quatre chants désignent tous le même serviteur
    - ces quatre chants forment un ensemble homogène dispersé dans un contexte hétérogène.

Pendant des décennies, on a donc étudié ces poèmes comme faisant un ensemble sans lien avec le contexte dans lequel ils étaient insérés. Cela a entraîné la recherche dans une impasse, avec de violentes querelles pour fixer le nombre exact de ces poèmes, leur délimitation, leur attribution au second Isaïe ou à un autre auteur...

Aujourd'hui, la recherche a bien changé de cap. Il ne s'agit plus d'étudier ces poèmes comme une entité homogène sans lien avec le contexte, mais de considérer que ces pièces sont parfaitement intégrées au contexte. Du coup, elles ne désignent pas nécessairement le même serviteur. Plusieurs études, dont le commentaire de P. Bonnard fait une bonne synthèse, montrent en effet que ces poèmes du serviteur n'utilisent pas un vocabulaire spécifique, mais exploitent le même vocabulaire que les autres passages où le serviteur est explicitement nommé. Il n'y a donc pas de raison particulière d'en refuser au second Isaïe la paternité. Il faut donc étudier ces passages très célèbres au sein de leur contexte propre, et s'attaquer à l'identification du serviteur en fonction de ce contexte.
 

Le premier cantique du serviteur (Is 42,1-9)

 
Le texte
Le commentaire
42,1 Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J'ai mis sur lui mon esprit, il présentera aux nations le droit.  De fait, si on place bien ce passage dans son contexte, l'identification du serviteur de 42,1 ne pose pas de grosses difficultés. Il s'agit très vraisemblablement de Cyrus. Le verset 1 reprend pratiquement des éléments déjà employés par le prophète pour parler de Cyrus: le serviteur est "élu" et soutenu par le Seigneur, et sa mission consiste à "exposer le droit, le jugement" aux nations. Le jugement en question est le jugement de Dieu sur les nations et sur Israël, et il se manifeste concrètement par la libération d'Israël obtenue par les victoires de Cyrus. Il est intéressant de voir ici la mention des nations au pluriel. Cela peut désigner non seulement les Babyloniens agresseurs, mais aussi l'ensemble des nations que ces derniers retiennent captives.
2 Il ne crie pas, il n'élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; 3 il ne brise pas le roseau froissé, il n'éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement, il présente le droit;  Les versets 2-3 insistent sur la manière dont ce serviteur va manifester le jugement. L'insistance porte sur la modération du serviteur: il ne pousse pas des cris de guerre et de victoire. Le vocabulaire employé sert effectivement à désigner le cri de guerre et l'appel aux armes. Il ne s'agit pas ici de la plainte ou du gémissement. 
Cette modération se traduit par un
souci des faibles : le roseau ployé, la mèche qui faiblit. Ces métaphores désignent l'ensemble des nations opprimées par Babylone, et tout particulièrement Israël. La victoire du serviteur Cyrus n'est donc pas à redouter. Ce n'est pas un nouveau conquérant comme les autres qui se contenterait de faire changer de maître les esclaves de Babylone. Au contraire, le serviteur va préserver la vie qui était près de s'éteindre. En pratique, c'est exactement le comportement que va adopter Cyrus envers les nations déportées par les Babyloniens.
4 il ne faiblira ni ne cédera jusqu'à ce qu'il établisse le droit sur la terre, et les îles attendent son enseignement.  Le verset 4 rappelle cependant qu'il ne faudrait pas confondre cette sollicitude avec de la faiblesse. Le serviteur ne ploiera pas comme les autres nations devant la puissance babylonienne. Au contraire, il assurera l'accomplissement de sa mission jusqu'au bout de la terre (les îles représentent souvent les confins de la terre habitée).
5 Ainsi parle Dieu, Yahvé, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu'elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l'habite, et l'esprit à ceux qui la parcourent.  Au verset 5, le style change et le Seigneur s'adresse directement à son serviteur à partir du verset 6. Celui qui parle se présente comme le Dieu créateur qui a autorité sur toute sa création, sur toutes les nations et pas seulement sur le peuple d'Israël. Cette introduction peut d'ailleurs expliquer que le Seigneur ait fait choix d'un païen, Cyrus, pour accomplir son plan de salut. Il le peut d'autant plus facilement que toute la terre, toutes les nations lui appartiennent.
6 " Moi, Yahvé, je t'ai appelé dans la justice, je t'ai saisi par la main, et je t'ai modelé, j'ai fait de toi l'alliance du peuple, la lumière des nations, 7 pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres. "  Au verset 6, la mission du serviteur se précise. On retrouve des éléments que l'on sait attribués à Cyrus: il est appelé dans la justice et pris, mené par la main du Seigneur. Ici, le roi païen apparaît bien comme "l'instrument" du Seigneur, qui l'a façonné. Le rôle du serviteur est d'être à la fois lumière des nations et alliance du peuple.
- On comprend bien la notion de "
lumière des nations". En effet, Cyrus va être un empereur  libéral, qui va redonner à de nombreux peuples des conditions de vie et de liberté abandonnées sous le régime babylonien. Pour beaucoup, il va effectivement apparaître comme un libérateur.
- Par contre, on voit mal comment le roi païen Cyrus peut être une "
alliance pour le peuple" en tant que tel. Ce n'est qu'en tant que serviteur du Seigneur qu'il peut contribuer à restaurer cette alliance mise à mal par l'exil. La forme la plus concrète que pourra prendre ce rôle sera l'autorisation de la reconstruction du Temple.
En fait, quelque soit le rôle et l'identité du serviteur, le second Isaïe prend soin de rappeler que
c'est le Seigneur lui-même qui est l'alliance et la lumière (Is 51,4 ou 54,9).
Le verset 7 reprend le thème le plus caractéristique du serviteur Cyrus: la libération. Car c'est bien cette libération qui doit être le premier temps du plan de salut de Dieu, aussi bien pour Israël que pour les nations.
8 Je suis Yahvé, tel est mon nom! Ma gloire, je ne la donnerai pas à un autre, ni mon honneur aux idoles. 9 Les premières choses, voici qu'elles sont arrivées, et je vous en annonce de nouvelles, avant qu'elles ne paraissent, je vais vous les faire connaître. Enfin, l'oracle se conclut par deux versets fermant toute une section de controverse. Le Seigneur a prouvé sa supériorité sur les idoles en annonçant et en réalisant la première étape de son plan, la montée en puissance de Cyrus. Mais ça ne s'arrête pas là: le Seigneur annonce qu'il va faire du nouveau. On en est ici à l'étape de l'annonce à l'avance. On aura une nouvelle preuve de la puissance de Dieu lorsque ce nouveau projet s'accomplira.

 

Le deuxième cantique du serviteur (Is 49,1-6)

 
Le texte
Le commentaire
49:1 Iles, écoutez-moi, soyez attentifs, peuples lointains! Yahvé m'a appelé dès le sein maternel, dès les entrailles de ma mère il a prononcé mon nom. 2 Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m'a abrité à l'ombre de sa main; il a fait de moi une flèche acérée, il m'a caché dans son carquois. 3 Il m'a dit : " Tu es mon serviteur, Israël, toi en qui je me glorifierai. "  Le verset 1 indique que l'oracle concerne en fait l'humanité entière. Dès le verset 1, on passe à la première personne du singulier, et la difficulté de ce passage réside bien sur dans l'identification de celui qui parle. En fait, le texte donne tous les indices pour ne pas se tromper. Le verset 3 est très clair: il s'agit du "serviteur" et ce serviteur est Israël. Mais la mission de ce serviteur est précisément, nous le verrons, de rassembler Israël! Donc le serviteur Israël ne peut être Israël dans son ensemble (cela reste à réaliser), mais Israël dans une de ses parties, très vraisemblablement le petit reste des fidèles de Yahvé au sein des exilés, le prophète lui-même et son auditoire.
Les trois premiers versets rappellent tout ce que le Seigneur a fait pour ce petit groupe: il l'a appelé dès le sein maternel (signe de vocation, notamment prophétique) et l'a équipé de tout ce qu'il faut pour réussir sa mission. On a ici un véritable récit de vocation avec appel et envoi en mission, mais ce récit ne concerne pas que le prophète, il vise en fait un groupe considéré comme le véritable Israël, celui que le Seigneur engendre et dont il se souvient. Ce groupe est mis à part, caché par le Seigneur en vue d'une mission qui ne va pas tarder à s'accomplir.
4 Et moi, j'ai dit : " C'est en vain que j'ai peiné, pour rien, pour du vent j'ai usé mes forces. " Et pourtant mon droit était avec Yahvé et mon salaire avec mon Dieu.  Comme dans les récits de vocation, on a maintenant au verset 4 l'objection de celui qui a été appelé. Ici, ce groupe représentatif du véritable Israël se sent abandonné du Seigneur et pense que toute son action n'a servi à rien. Cependant, ce qui caractérise ce groupe, c'est sa confiance inébranlable en Yahvé: son droit est auprès du Seigneur. On voit en quoi ce groupe se distingue du reste du peuple qui affirmait au contraire en 40,27 "mon droit échappe à mon Dieu". Le petit reste se compose donc d'hommes découragés, mais pas désespérés, car toujours confiants dans leur Dieu.
5 Et maintenant Yahvé a parlé, lui qui m'a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob, et qu'Israël lui soit réuni; - je serai glorifié aux yeux de Yahvé, et mon Dieu a été ma force; - 6 il a dit : " C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d'Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. " Les versets 5-6 concluent cet oracle en précisant les deux volets de la mission de ce serviteur:
- Premier volet, ramener Israël (la totalité) à son Dieu. C'est pour cela que ces hommes ont été choisi au sein du peuple. Le projet de Dieu n'est pas de sauver une poignée de justes, mais d'utiliser ces justes pour sauver l'ensemble.
- Deuxième volet, accomplir le projet de salut universel dont le livre nous parle depuis le début. C'est bien pour cela que l'oracle s'adresse aux îles et aux nations. La mission de ce petit groupe ne se limite pas à Israël, ce serait "trop peu". Les ambitions du Seigneur sont plus vastes: cette élite d'Israël doit faire parvenir le salut à toute la terre. Bien évidemment, la relecture néo-testamentaire verra aussi dans ce serviteur Jésus lui-même. Il récapitule et assume en lui toute l'histoire d'Israël et il devient lumière des nations. C'est la synthèse qu'opère le cantique de Siméon:
Lc 2 30 car mes yeux ont vu ton salut,  31 que tu as préparé à la face de tous les peuples,  32 lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël.


Le troisième cantique du serviteur (Is 50,4-11)

 
Le texte
Le commentaire
50:4 Le Seigneur Yahvé m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort. Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple. 5 Le Seigneur Yahvé m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé. 6 J'ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, et les joues à ceux qui m'arrachaient la barbe; je n'ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats. 7 Le Seigneur Yahvé va me venir en aide, c'est pourquoi je ne me suis pas laissé abattre, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage dur comme la pierre, et je sais que je ne serai pas confondu. 8 Il est proche, celui qui me justifie. Qui va plaider contre moi ? Comparaissons ensemble! Qui est mon adversaire ? Qu'il s'approche de moi! 9 Voici que le Seigneur Yahvé va me venir en aide, quel est celui qui me condamnerait ? Les voici tous qui s'effritent comme un vêtement, rongés par la teigne. 10 Quiconque parmi vous craint Yahvé et écoute la voix de son serviteur, quiconque a marché dans les ténèbres sans voir aucune lueur, qu'il se confie dans le nom de Yahvé, qu'il s'appuie sur son Dieu. 11 Mais vous tous qui allumez un feu, qui vous armez de flèches incendiaires, allez aux flammes de votre feu, aux flèches que vous enflammez. C'est ma main qui vous a fait cela : vous vous coucherez dans les tourments. Dans ce passage à la première personne, il n'est pas non plus très difficile d'identifier le serviteur, qui n'est autre que le prophète lui-même. On trouve dès le début de cette pièce l'affirmation capitale de toute vocation prophétique: c'est bien le Seigneur YHWH qui envoie le prophète. Ici, le prophète se décrit comme un disciple, c'est-à-dire comme celui qui se met à l'écoute d'un maître qui l'enseigne. Ainsi se situe le second Isaïe vis à vis du Seigneur: c'est YHWH qui l'instruit. Le prophète écoute afin de pouvoir, à son tour, parler et réconforter ceux vers qui il est envoyé. 
Ce qui caractérise ce prophète, c'est sa docilité. En ce sens, il semble se démarquer de Jérémie. Il n'objecte pas, ne cherche pas d'excuse qui lui permettrait d'éviter les risques inhérents à sa mission. Car, comme pour tous les autres prophètes, il se heurte à l'hostilité de ses interlocuteurs. Rien ne le décourage et il ne cherche ni à fuir, ni à appeler la vengeance sur ses ennemis (on constate immédiatement cette différence en comparant avec les confessions de Jérémie).
Le verset 7 indique où le prophète puise cette énergie qui lui permet de tenir bon dans l'épreuve. C'est la confiance en Dieu. Or il s'agit précisément du coeur de son message. Il exhorte Israël à avoir en Dieu la même confiance que lui-même a dans les épreuves. Le prophète est sûr de son bon droit et il invite ses persécuteurs à comparaître face à lui devant le tribunal de Dieu. 
Justifié par Dieu, le prophète devient lui-même un signe de discernement. On voit le peuple en exil se diviser en deux camps. Il y a ceux qui acceptent la prédication du prophète alors même qu'ils sont dans les ténèbres. Alors, le message de Dieu va réellement devenir pour eux une clarté. Mais il y a ceux qui rejettent cette prédication. Pour ces derniers, leur propre violence se retournera contre eux. Ils ne jouiront pas du salut promis, mais périront dans le brasier qu'ils ont eux-mêmes allumé. 

 

Le quatrième cantique du serviteur (Is 52,13-53,12)

 
Le texte
Le commentaire
52 13 Voici que mon serviteur prospérera, il grandira, s'élèvera, sera placé très haut.  14 De même que des multitudes avaient été saisies d'épouvante à sa vue, -- car il n'avait plus figure humaine, et son apparence n'était plus celle d'un homme --   15 de même des multitudes de nations seront dans la stupéfaction, devant lui des rois resteront bouche close, pour avoir vu ce qui ne leur avait pas été raconté, pour avoir appris ce qu'ils n'avaient pas entendu dire.  Il s'agit bien dans ce passage d'un oracle où le Seigneur parle à la première personne de "son" serviteur. Le verbe généralement traduit par "prospérer" correspond à une racine dont le sens littéral est "comprendre, agir avec intelligence et discernement". Cela annonce donc une réussite des projets du serviteur. La plupart des emplois de ce verbe dans la Bible servent à indiquer une réussite basée non pas tant sur ses propres forces que sur la docilité à la parole de Dieu. Il s'agit d'une réussite basée sur la foi.
Cette réussite du serviteur se concrétise par un résultat décrit avec trois verbes presque synonymes: monter, être exalté, être élevé. Ces trois termes servent généralement dans la Bible à parler de la transcendance de Dieu et leur emploi ici est significatif: la réussite du serviteur consiste ultimement à prendre place sur le trône même de Dieu, à être élevé à sa hauteur. 
Cela pose bien évidemment la question de l'identification de ce serviteur. A ce stade du poème, on sait seulement que ce serviteur va monter très haut. Le verset 14 nous indique de plus qu'il part de très bas et cette élévation inattendue provoque l'étonnement des spectateurs qui sont ici les nations nombreuses, c'est-à-dire les païens. 
La première interprétation est de voir dans ce serviteur toujours le peuple d'Israël soit dans son ensemble, soit, c'est plus probable, dans sa minorité restées fidèle et peut-être persécutée en raison même de cette fidélité. Dans le cadre de cette interprétation, on garde une dimension collective à l'homme du verset 14: c'est le peuple qui n'a plus "figure humaine". Cette déshumanisation résulte de l'asservissement dans lequel se trouve actuellement Israël. Les foules avaient été horrifiées par cette décrépitude et elles vont être dans l'étonnement devant son relèvement.
Le verset 15 offre une grosse difficulté de traduction, car il utilise un mot hébreu ne figurant qu'ici dans la Bible. Le sens le plus littéral de la racine signifie « gicler, éclabousser », et on peut traduire par: ainsi il éclaboussera des foules de nations. Ce qui compte de toute façon, c'est l'attitude des spectateurs qui restent muets (de stupeur ou d'émerveillement) devant le relèvement du serviteur à partir d'une position si basse qu'il ne semblait plus appartenir à l'humanité.
53 1 Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras de Yahvé, à qui s'est-il révélé?  2 Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride; sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits;  3 objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas.  4 Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié.  5 Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison.  6 Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à tous.  Le verset 15 terminait l'oracle du Seigneur en évoquant le silence des nations face au relèvement du serviteur. Cela pose la question de savoir qui parle ici ? Pratiquement toutes les hypothèses ont été proposées: Israël dans son ensemble, les pécheurs en Israël, le prophète comme porte-parole de tout ou partie du peuple, ou bien les nations et les rois du verset précédent. 
Le premier élément de surprise, c'est l'accomplissement de ce qui avait été cependant annoncé de nombreuses fois et qui n'avait pas été cru tellement cela semblait improbable ou impossible. Ce qui semble le plus surprendre, ce n'est pas que le bras (c'est-à-dire la force) du Seigneur ait pu agir, mais qu'il ait agi pour son serviteur. 
Les versets 2-3 parlent de l'état de ce serviteur. Il est décrit comme une plante insignifiante qui reste chétive sur un sol aride, tellement minable que personne ne fait attention à lui. Cette difficulté de croissance peut même être interprétée comme un signe de malédiction. En effet, le Seigneur peut transformer la terre aride en fontaine (Is 41,18), mais pour l'heure, le serviteur reste devant lui chétif et sous-développé. Cet état entraîne le mépris des hommes qui considèrent le serviteur comme un malade gravement atteint.
Le verset 4 marque un changement important dans l'attitude des spectateurs. La maladie et la souffrance que porte le serviteur est en fait la maladie et la souffrance des spectateurs. Le verset 5 précise qu'il s'agit en fait d'une allégorie. La maladie n'est que la représentation du péché des spectateurs. On voit donc tout d'abord se dégager la cause de la souffrance du serviteur: le péché des spectateurs qui prennent conscience  de leur responsabilité dans ce qui arrive à Israël. 
Si le serviteur est bien Israël, on peut donc cibler deux identifications possibles pour ces spectateurs. 
  • Il peut s'agir des nations païennes, car c'est bien par elles et à cause d'elles qu'Israël se retrouve aujourd'hui dans cette situation humiliante. Cet oracle annoncerait donc une prise de conscience très profonde de la part de ces nations et innocenterait complètement Israël. 
  • Mais on peut aussi considérer qu'il s'agit d'une prise de conscience d'Israël lui-même qui découvre que son propre peuple est abaissé à cause de ses fautes. Cela peut même indiquer un clivage entre le "petit reste" persécuté et humilié et l'ensemble du peuple qui comprend que ce reste souffre à cause de lui. 
La seconde étape est la découverte du but de ces souffrances. Il s'agit de la paix et de la guérison des spectateurs. Généralement, le châtiment éducatif est infligé au coupable pour qu'il se repente et corrige ses voies. L'originalité de la situation, c'est que ce châtiment est infligé à un autre que le coupable. Ici, ce sont les témoins du châtiment qui se convertissent. 
Là encore l'interprétation peut être multiple. Si on reste fidèle aux grands axes du second Isaïe, on peut proposer:
  • De voir dans ce serviteur humilié et souffrant Israël en exil, et plus particulièrement les fidèles du Seigneur qui subissent aussi le rejet de leurs propres frères. En effet, le texte affirme que le sort du serviteur n'est pas dû à son propre péché. Or les prophètes ont au contraire beaucoup insisté sur le fait que l'exil d'Israël est la conséquence de son péché. Ce texte dédouane le serviteur et invite donc à voir en lui une fraction d'Israël restée fidèle au Seigneur, dans l'entourage du prophète. 
  •  De voir dans ces témoins non seulement la fraction pécheresse d'Israël, mais aussi les nations païennes qui vont prendre conscience de leur faute simplement en étant témoin du sort du serviteur. Ce sort n'est pas seulement de souffrir à cause du péché des autres, mais aussi d'être exalté. C'est d'ailleurs cette exaltation (cf. 53,1) qui entraîne la prise de conscience, et pas seulement la contemplation des souffrances d'Israël. Voir Israël relevé par la force du bras du Seigneur indique que ce n'est pas à cause de son péché que ce serviteur était abaissé, mais que cela entre dans un plan à plus grande échelle. Or pour le second Isaïe, le plan à grande échelle du Seigneur est bien sa reconnaissance par tous les peuples et pas seulement par Israël. 
53 7 Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche.  8 Par contrainte et jugement il a été saisi. Parmi ses contemporains, qui s'est inquiété qu'il ait été retranché de la terre des vivants, qu'il ait été frappé pour le crime de son peuple?  9 On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu'il n'ait pas commis de violence et qu'il n'y ait pas eu de tromperie dans sa bouche.  10 Yahvé a voulu l'écraser par la souffrance; s'il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et par lui la volonté de Yahvé s'accomplira.  Troisième partie de ce cantique: il ne s'agit plus des spectateurs qui parlent à la première personne du pluriel, mais d'une nouvelle voix qui parle du comportement du serviteur et ne s'implique pas dans cette description. Ce narrateur est très probablement le prophète lui-même qui prend ici la parole et développe la réflexion à partir des deux parties précédentes. 
Ce qui intéresse le prophète, c'est le comportement du serviteur dans l'épreuve. Le verset 7 indique que cette épreuve est d'être "maltraité". C'est exactement le terme qui était employé dans le livre de l'Exode pour parler des mauvais traitements que subissait Israël esclave de la part de ses maîtres égyptiens (Ex 3,7). La souffrance que subit le serviteur, c'est le mauvais traitement qu'inflige le maître à son esclave. Le serviteur est donc un captif.
Le second point important, c'est l'emploi du verbe "humilier" au sens actif. Au verset 4, les témoins disaient que le serviteur était humilié par Dieu. Ici, le prophète précise que le serviteur s'humilie. Bien que victime livrée aux mains d'un plus fort que lui, il garde sa dignité. Cela se manifeste par son mutisme comparé à celui d'un mouton traîné à l'abattoir. Le texte ne parle pas directement du sacrifice de l'agneau (comme cela serait le cas s'il désirait pointer en direction de l'agneau pascal). Au contraire, le parallèle se fait avec la tonte de la brebis. Dans les deux cas, il s'agit d'une violence faite à une victime sans défense. 
Le verset 8 apporte de nouveaux éléments:
- Le serviteur a été "enlevé par contrainte". On retrouve l'élément d'oppression associé cette fois à l'idée de rapt. Cet enlèvement est également le résultat d'un "jugement". Ceci s'applique bien à la destinée d'Israël, enlevé par Nabuchodonosor qui était l'exécuteur du jugement divin. Le serviteur a été emporté par cette tourmente avec tous les autres.
- Si le serviteur a été pris avec tous les autres, sans discrimination, c'est à cause du "péché de mon peuple". Pour identifier de quoi il s'agit, il faut d'abord savoir qui parle. S'il s'agit bien du prophète, "mon" peuple désigne forcément Israël. Il faut donc en conclure que le serviteur a été enlevé et jugé à cause du péché d'Israël. On aurait alors une confirmation de l'hypothèse de départ selon laquelle le serviteur désigne ici la partie juste d'Israël. En effet, ce petit reste (auquel appartient le prophète) a subi le même sort que l'ensemble. Si la totalité d'Israël a été déporté, c'est en raison de son péché (c'est la teneur principale des oracles de Jérémie et d'Ezéchiel), mais au sein d'Israël se trouve le serviteur qui ne porte pas de responsabilité dans cette catastrophe. 
- Une autre interprétation peut voir dans ce serviteur non pas le petit reste d'Israël mais un seul homme, un juste, victime des agissements de l'ensemble de son peuple. Certains ont proposé d'y voir même une confidence du prophète. 
Le verset 9 poursuit la description de l'état du serviteur: déjà enlevé, il est maintenant pratiquement mort puisqu'on évoque son tombeau. Ce langage est très proche de celui d'Ezéchiel qui parlait déjà de l'exil comme de la mort dans la vision des ossements desséchés. Ce qui compte ici, c'est le lieu de l'ensevelissement: parmi les méchants et les opulents. Tout cela désigne évidemment les Babyloniens. Le serviteur (individu ou petit reste) se retrouve enseveli sans honneur sur une terre étrangère et hostile.
La seconde partie insiste sur l'innocence de ce serviteur. Il est donc impossible de soutenir l'hypothèse selon laquelle ce serviteur désignerait Israël dans son ensemble, puisque Israël est coupable et responsable de la catastrophe. Le serviteur désigne celui qui, en Israël, est juste et donc subi un tort immérité. 
On voit donc que l'attitude du serviteur, broyé par une souffrance qu'il n'a pas mérité et dont il n'est pas responsable va finalement le conduire au salut. Au lieu du tombeau, il va être question d'une descendance. Ce salut est bien sûr l'oeuvre de Dieu. Le serviteur se contente d'offrir son existence misérable d'exilé humilié. Mais en tant que juste, il garde confiance dans le Seigneur. Sa souffrance n'est pas l'occasion d'une révolte contre Dieu. Mais à ce stade du texte, il s'agit seulement d'une espérance. Il reste à entendre la réponse de Dieu.
53 11 A la suite de l'épreuve endurée par son âme, il verra [la lumière] et sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes.  12 C'est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort et qu'il a été compté parmi les criminels, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour les criminels.  Au verset 11, c'est le Seigneur qui reprend la parole. Le texte est très difficile à traduire. Si on prend littéralement le texte hébreu massorétique, on obtient:
il verra et il sera comblé
En effet, c'est seulement le texte de Qumrân qui ajoute "la lumière". En fait le texte massorétique est très cohérent et répond tout à fait à l'attente exprimée dans le verset 10. En effet, le verset 10 manifestait l'espoir que le serviteur "verrait" une postérité et "prolongerait" ses jours. A cette attente, le Seigneur répond que le serviteur "verra" (la postérité) et sera comblé (de jours). 
Le Seigneur va donc exaucer l'espérance du serviteur qualifié ici de « juste ». Mais cela va bien au delà. En effet, sa justice, qui procède de la connaissance de Dieu, va se répandre et justifier les pécheurs. C'est bien là la pointe du texte: le sacrifice de réparation offert par le serviteur sous la forme de sa souffrance n'est pas vain. Il est agréé par Dieu et porte du fruit. Ainsi ceux qui, par leur péché, ont été responsable de la souffrance du serviteur vont bénéficier de la rédemption obtenue par la justice de ce serviteur. Le chapitre se termine en rappelant en quoi consiste cette oblation du serviteur: s'être livré lui-même à la mort et avoir accepté sans se rebeller d'être compté parmi les pécheurs alors qu'il était juste.

Reprise de ce texte dans le Nouveau Testament

   

Ce passage du second Isaïe concerne d'abord le serviteur Israël, non pas l'ensemble du peuple, mais les justes auxquels s'adresse le prophète depuis la seconde partie du livre. Mais cette collection d'oracles va être relue par les évangélistes et appliquée à Jésus. Là encore, le Nouveau Testament et l'Ancien Testament s'éclairent mutuellement. La figure du serviteur va prendre sa dimension ultime en Jésus. Voyons comment ce passage s'applique particulièrement bien:

   

Ainsi, les évangiles vont très clairement identifier Jésus et le serviteur d'Isaïe 53. Cela confirme la portée universelle du salut annoncé par ce texte. Jésus représente le "juste" en Israël, condamné et offrant  le salut à tous,  Juifs et païens. Le projet de Dieu de rassembler en un Israël nouveau tous les hommes de la terre trouve ici son aboutissement.


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