Le livre de Judith est un livre deutérocanonique, c'est à dire qui ne figure que dans la Bible grecque. Il s'agit d'un roman édifiant qui raconte les aventure d'une femme courageuse, nommée Judith. Le cadre historique de l'aventure est totalement fictif. Dès l'introduction, Nabuchodonosor est présenté comme le roi des Assyriens et le roi de Ninive, ce qui est une double erreur : Nabuchodonosor est roi des Babyloniens et Ninive a été détruite avant son arrivée au pouvoir. C'est aussi étrange que si nous ouvrions un livre qui commencerait par "Cette histoire se déroule lorsque Napoléon, le roi des Russes, habitait à Londres..." En fait, l'auteur n'ignore probablement pas son histoire et commet intentionnellement ces erreurs. Il désire que l'on s'intéresse, non à l'historicité, mais à la morale de son récit.
Le roi de "Ninive" envoie son général Holopherne pour mener la guerre contre Israël. Présenté comme un tyran sanguinaire à l'avancée irrésistible, ce dernier finit par assiéger la petite ville de Béthulie. Les habitants sont au désespoir lorsque Judith imagine un plan. Elle va descendre de nuit au camp des ennemis et séduire Holopherne. Une fois ce dernier complètement ivre, Judith profite de son sommeil pour l'assassiner et revient à Béthulie en rapportant la tête du général. En voyant que leur chef est mort de manière honteuse, les ennemis renoncent à leur attaque et rentrent chez eux.
En fait, l'histoire a pour but d'exalter la résistance juive. L'héroïne porte d'ailleurs un nom tout à fait symbolique, car Judith signifie "la Juive". Tout le livre est tissé de prières et d'actions de grâce au Dieu d'Israël capable de sauver son peuple par la main des faibles. Judith est aussi l'expression d'un judaïsme soucieux de se préserver du contact avec les païens. A titre d'exemple, lorsque Judith se rend dans le camp d'Holopherne, elle prend soin d'emporter avec elle son panier-repas afin de ne pas se souiller en mangeant la nourriture des Babyloniens (le panier sera d'ailleurs très utile pour ramener la tête d'Holopherne une fois ce dernier occis !). D'une certaine manière, Judith apparaît comme une "anti-Esther", dans la mesure où cette dernière, à l'inverse de sa consoeur, vit comme une reine des Perses et organise des banquets sans apparemment le moindre souci de pureté rituelle et d'interdits alimentaires. Il faut aussi mentionner dans ce récit un personnage secondaire, Achior, un païen qui finira par se convertir au judaïsme et qui sera admis au sein de la communauté après sa circoncision. Le livre de Judith semble donc admettre que des païens puissent rejoindre le judaïsme, montrant ainsi moins de rigueur que la législation imposée par Esdras et Néhémie.
I- Mise en place de l'histoire
- Nabuchodonosor écrase son ennemi mède et charge son général Holopherne de mener une expédition punitive vers l'ouest (1-2,20)
- Holopherne traverse tous les pays qui tombent sous ses coups et finit par arriver en Judée (2,21-3,10)
- Les judéens se préparent à résister (4,1-15) alors que se tient un conseil de guerre sous la tente d'Holopherne. Achior, le chef de guerre des Ammonites (peuple voisin de la Judée) est consulté comme agent de renseignement. Dans un long discours (ch.5), il explique à Holopherne un fondement théologique: si Israël commet des fautes, son Dieu le livre aux armées païennes, mais s'il est irréprochable, aucune armée ne pourra le vaincre, car le Seigneur le protégera. Ce discours irrite Holopherne qui décide alors de se débarrasser d'Achior en le livrant aux Juifs de Béthulie. Ces derniers lui font bon accueil (6).
- Finalement, Holopherne met le siège devant Béthulie (7)
II- L'action de Judith
- Présentation de Judith (8,1-8)
- Intervention de Judith qui propose son plan aux autorités de la ville (8,9-36)
- Prière de Judith (9,1-14)
- Judith se rend au camp d'Holopherne (10,1-23) après s'être rendue aussi séduisante que possible. Elle se fait passer pour une transfuge et sa beauté subjugue tout le camp assyrien. Holopherne tombe sous son charme et lui propose de demeurer à l'abri dans son camp (11).
- Pendant son séjour dans le camp païen, Judith déploie toute sa ruse pour ne pas se souiller avec de la nourriture impure. Elle prie et se prépare à l'action. L'occasion vient lors d'un festin organisé par Holopherne. Au cours du banquet, elle séduit le général et lui fait ingurgiter une grande quantité de vin (12)
- Judith et Holopherne se retirent dans la tente du général. Ce dernier tombe ivre mort. Judith l'assassine alors pendant son sommeil et le décapite. Elle ramène la tête du militaire à Béthulie (13)
III- Le salut de Béthulie
- Judith conseille aux dirigeants de la ville de suspendre la tête du général au rempart. En voyant la tête d'Holopherne, Achior comprend la puissance du Dieu d'Israël et se fait circoncire (14,1-10)
- Lorsque les Assyriens apprennent comment est mort leur chef, la panique les gagne et ils finissent par se disperser (14,11-15,7)
- C'est alors l'action de grâce des habitants de Béthulie (15,8-14)
- Judith chante un cantique de louange (16)
- Epilogue: après une longue et heureuse vieillesse, Judith meurt et fait l'objet d'un deuil national de sept jours.
Le livre de Judith a été écrit pendant la période grecque (après -330), probablement au début du second siècle avant notre ère. Plusieurs indices (la situation politique de la Judée, divers usages grecs et des coutumes juives assez récentes) confirment cette datation.
Un texte représentatif : le meurtre d'Holopherne (13,1-10)
1 Quand il se fit tard, ses officiers se hâtèrent de partir. Bagoas ferma la tente de l'extérieur, après avoir éconduit d'auprès de son maître ceux qui s'y trouvaient encore. Ils allèrent se coucher, fatigués par l'excès de boisson, 2 et Judith fut laissée seule dans la tente avec Holopherne effondré sur son lit, noyé dans le vin.
3 Judith dit alors à sa servante de se tenir dehors, près de la chambre à coucher, et d'attendre sa sortie comme elle le faisait chaque jour. Elle avait d'ailleurs eu soin de dire qu'elle sortirait pour sa prière et avait parlé dans le même sens à Bagoas. 4 Tous s'en étaient allés de chez Holopherne et nul, petit ou grand, n'avait été laissé dans la chambre à coucher. Debout près du lit Judith dit en elle-même "Seigneur, Dieu de toute force, en cette heure, favorise l'œuvre de mes mains pour l'exaltation de Jérusalem. 5 C'est maintenant le moment de ressaisir ton héritage et de réaliser mes plans pour écraser les ennemis levés contre nous."
6 Elle s'avança alors vers la traverse du lit proche de la tête d'Holopherne, en détacha son cimeterre, 7 puis s'approchant de la couche elle saisit la chevelure de l'homme et dit : "Rends-moi forte en ce jour, Seigneur, Dieu d'Israël!" 8 Par deux fois elle le frappa au cou, de toute sa force, et détacha sa tête. 9 Elle fit ensuite rouler le corps loin du lit et enleva la draperie des colonnes. Peu après elle sortit et donna la tête d'Holopherne à sa servante, 10 qui la mit dans la besace à vivres, et toutes deux sortirent du camp comme elles avaient coutume de le faire pour aller prier. Une fois le camp traversé elles contournèrent le ravin, gravirent la pente de Béthulie et parvinrent aux portes.