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L'Exode et l'installation en Canaan

L'arrivée en Egypte

La sortie d'Egypte - les traditions de l'Exode

L'installation en Canaan

Les Philistins

puceL'arrivée en Egypte (14ème siècle ?)


    Selon le livre de la Genèse, le clan de Jacob est descendu en Egypte pour trouver de la nourriture lors d'une longue période de sécheresse. Les documents égyptiens confirment que plusieurs groupes semi-nomades descendaient régulièrement vers l'Egypte et devaient pour cela franchir un réseau de forteresses frontalières connues dans la Bible sous le nom de Shur (le mur d'Egypte). Les historiens divergent par contre pour savoir à quelle date a eu lieu cette migration:
 
 

La datation ancienne La datation récente
Selon l'historien antique Flavius Josephe, la descente en Egypte aurait eu lieu lors de la période hyksos. Certains auteurs ont même suggéré que les anciens hébreux puissent être assimilés à ces mêms Hyksos. Cependant, cette datation est largement minoritaire aujourd'hui. Elle suggère un trop long séjour des Hébreux en Egypte. Par ailleurs, les Hébreux ne viennent pas pour conquérir l'Egypte comme les Hyksos, mais pour s'y réfugier. Nombre d'historiens préfèrent aujourd'hui une datation plus récente, correspondant approximativement à la période des lettres d'El Amarna. L'entrée en Egypte et l'installation des Hébreux pourrait avoir eu lieu sous les règnes d'Aménophis III ou IV (1364-1346). Ce dernier roi a été à l'origine d'une importante réforme religieuse (centrée sur le culte du dieu solaire Aton). Cette réforme a entraîné un profond affaiblissement de l'Egypte à cause de sévères dissensions internes et a amené un changement de dynastie dont la politique a été systématiquement contraire à celle de la dynastie précédente. On comprendrait alors bien que les Hébreux, bien accueillis par Aménophis, aient été suspectés par le nouveau pouvoir en place.

 

puce La sortie d'Egypte

   

Selon le livre de l'Exode, les épisodes de la sortie d'Egypte se déroulent sous le règne de Ramsès II. Le récit met en scène des épisodes grandioses, aboutissant à une confrontation qui anéantit les troupes égyptiennes. Au terme du célèbre épisode de la traversée de la mer, les Hébreux, sous la direction de Moïse, entreprennent une longue marche dans le désert du Sinaï qui les mènera, 40 ans plus tard, au seuil de Canaan. Ce récit est illustré de manière particulièrement spectaculaire par le film "Les dix commandements".
 
 

De l'archéologie biblique...
...à l'archéologie cananéenne

La question de l'évaluation de ces épisodes se pose pour les historiens. Les recherches du 19e et du début du 20e siècle ont eu pour but de démontrer la "véracité" du récit biblique en partant en quête de vestiges archéologiques témoignant des divers épidodes relatés dans le livre de l'Exode. L'essentiel de ces recherches est résumé dans le célèbre livre de Werner Keller  La Bible arrachée aux sables (Paris, 1956) dont le titre allemand est tout à fait révélateur de l'axe de la recherche Und die Bible hat doch Recht (et la Bible avait raison)... 

Cette notion même d'archéologie "biblique" a été très vivement mise en cause par les archéologues et historiens contemporains. Plutôt que de se baser sur un récit et en chercher des traces historiques, ceux-ci proposent de procéder sur le territoire de Canaan de la même manière que l'on procède ailleurs: d'abord recueillir des données archéologiques ou historiques et ensuite les interpréter pour comprendre l'histoire des populations qui ont vécu ici, sans se laisser guider par une pré-compréhension de ces données du fait du texte biblique. Des ouvrages comme La Bible dévoilée de I. Finkelstein et N.A. Silberman ou La Bible et l'invention de l'histoire de M. Liverani sont représentatifs de ce nouveau courant historique.

   

Echaudés par l'invasion et la longue occupation hyksos, le pouvoir égyptien a eu à coeur de renforcer la sécurité de ses frontières. Les villes mentionnées dans le récit de l'Exode sont bien attestées dans des documents de l'époque de Ramsès II (nouvel empire): Sukkot (Ex 12,13) correspond à la ville Tjkw et Pitom (Ex 1,11) est Pr-Itm (Maison d'Atoum). Pi-Ramsès est la nouvelle capitale contruite par le Pharaon et Migdol est une des forteresses qui sécurise la frontière est du delta (ce nom tend à devenir générique pour désigner une forteresse frontalière).

Malgré cet étroit système de surveillance, les sources égyptiennes du 13e siècle n'ont conservées aucune trace d'un mouvement de population de l'ampleur de celui décrit dans l'Exode. Aucune trace non plus d'une confrontation armée qui aurait aboutit à la destruction des forces égyptiennes. Le séjour des Hébreux dans le Sinaï n'a laissé aucune trace archéologique. Des sites bien localisés comme Cadès-Barnéa ou Eçyon Géber ont été fouillés et n'ont révélé aucun indice d'une présence des Hébreux à cette époque.

En revanche, beaucoup d'éléments du récit de l'Exode pointent non vers le 13e siècle mais plutôt vers le 7e siècle. Les pharaons de cette époque (dynastie "saïte" Psammétique I (664-610) et Nékao II (610-595) prennent comme modèle les pharaons anciens et opèrent une politique de grands travaux. La cité de Pitom se développe considérablement à cette époque. Les routes de migration décrites dans l'Exode sont également celles du 7e siècle alors qu'elles ne sont pas en activité au 13e...

Ces éléments suggèrent une rédaction du premier récit de l'Exode dans ce contexte. Cela ne signifie pas que l'histoire n'est pas plus ancienne, mais seulement qu'elle a été mise en forme à cette époque, pour coller à l'actualité. Cette époque est cruciale dans le développement de Juda. Un récit fondateur qui souligne la défaite humiliante de l'Egypte sert bien les intérêts de Josias, à une époque où ce roi cherche à se dégager de la tutelle des grandes puissances de son temps.
 

puceL'installation en Canaan

   

La question de l'émergence d'une entité sociale et politique israélite a fait l'objet de diverses approches et de nombreuses controverses durant ces dernières décennies. Il est possible de regrouper ces approches autour de trois grandes théories de peuplement:
 
 

La conquête militaire

Il s'agit du modèle décrit dans le livre de Josué. Le territoire de Canaan est conquis militairement par des forces non cananéennes venant du sud ou de l'est. Cette conquête s'accompagne de la destruction systématique des villes conquises et du massacre de leur population.

La sédentarisation pacifique

Dans ce modèle, des populations nomades transjordaniennes se sédentarisent progressivement dans la montagne centrale de Canaan. Le processus peut s'étaler sur des dizaines d'années. Cette sédentarisation n'amène pas de confrontation armée avec les habitants antérieurs de Canaan.

La révolte interne

Plus récent, ce modèle considère que les habitants de la montagne centrale proviennent des cités cananéennes qu'ils ont été amenés à fuir. Ils se réfugient dans cette région moins hospitalière pour échapper à leurs anciens maîtres et mener une vie autonome.

   

Le modèle de la conquête militaire est pratiquement abandonné aujourd'hui tant il est contredit par les découvertes archéologiques. Les deux autres modèles s'avèrent peut-être assez complémentaires...

Le temps des cités-états

    Au cours des 14e et 13e siècles, le territoire de Canaan est organisé sur les modèle de la cité-état. A chaque ville correspond une centralisation du pouvoir politique, avec un "roi" (qui ne règne souvent que sur un territoire minuscule de quelques kilomètres autour de sa ville), un palais et une administration centrale. Cette structure politique nous est bien connue grâce aux lettres d'El Amarna, écho de la correspondance diplomatique entre ces rois et le pharaon. Théoriquement, tous ces rois sont les vassaux du souverain égyptien. En pratique, celui-ci peine à assurer sa domination et les cités sont souvent livrées à elles-mêmes. Lorsque les liens se distendent trop, les pharaons organisent des expéditions en Canaan pour réaffirmer leur autorité.

La crise du bronze récent

    Vers la fin du bronze récent, la structure des cités-états connaît une crise qui va les affaiblir durablement. Ces villes sont structurées autour d'une centralisation poussée à l'extrême. Les ressources agricoles profitent essentiellement au palais et à l'administration centrale. Les ouvriers agricoles s'appauvrissent et se retrouvent souvent réduits en esclavage afin de pouvoir solder leurs dettes. Face à cette situation, de nombreux agriculteurs prennent la fuite et rompent le lien qui les unit aux cités-états.

Tant que l'Egypte domine Canaan, les rois des cités peuvent compter sur son aide pour ne pas accorder de refuge aux exilés économiques et même les aider à les traquer. Beaucoup de ces agriculteurs en fuite se reconvertissent dans le brigandage et trouvent refuge dans les zones non exploitées de la montagne centrale.
       

Ces brigands sont connus dans la littérature égyptienne et cananéenne sous le nom d'abiru (origine possible du mot " hébreu "). Les plus grandes bandes peuvent menacer les plus faibles cités et beaucoup de rois essayent de faire alliance avec eux pour les dresser contre leurs voisins.

Un roi cananéen se plaint auprès du Pharaon...

Les abiru ont donné l'assaut à Khazi, la ville du roi mon Seigneur, mais nous les avons combattus et nous les avons défaits. Quarante abiru survivants se sont rendus auprès d'Aman-Khapti qui les a accueillis et les a recueillis dans la cité. Aman-Khapti est devenu ainsi lui-même un abiru... (lettres d'El Amarna)


L'arrivée des Philistins
 

Vers 1208, selon les sources égyptiennes, la côte de Canaan fait l'objet d'une invasion par les "peuples de la mer". Ceux-ci portent des noms (égyptiens...) divers, dont celui des Peleset qui donnera le mot "philistin". Ces envahisseurs peuvent provenir de la mer Egée et s'apparentent à la culture mycénienne. Les Philistins vont tenter la conquête de l'Egypte, mais sans succès. Ils vont alors d'installer aux portes de l'Egypte et former un état regroupé autour de cinq villes, la pentapole philistine (Gaza, Eqrôn, Ashquelôn, Ashdod et Gath).

Pentapole
 


     Concrètement, les Philistins vont s'intercaler entre l'Egypte et les cités cananéennes. Profitant de leur affaiblissement, les fugitifs vont fonder au début du Fer I (vers 1200 B.C.E.) de multiples petits villages, regroupant généralement un groupe de familles apparentées. Les agriculteurs exploitent les maigres terres cultivables, tandis que les éleveurs nomadisent aux limites du territoire revendiqué par le village. Ce sont les éleveurs qui vont établir des liens avec les villages voisins et commencer à composer une structure familiale élargie au clan et à la tribu. D'une manière générale, plus on s'éloigne géographiquement, plus le lien de parenté est faible. L'archéologie montre bien cette subdivision : maison = famille, village = clan (cousins le plus souvent), regroupement de villages proches = tribu.

    Au terme de presque deux siècles, ces villages et leurs regroupements forment une bonne occupation de la montagne centrale. Les Philistins se sont définitivement implantés autour de la Pentapole et quelques cités cananéennes ont survécu, alors que la plupart ont fortement déclinées, voire ont été abandonnées. Selon les lettres d'El Amarna, deux cités état de la montagne ont fait alliance avec les abiru : Sichem et Jérusalem.  
 

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