Les derniers rois de Juda
et la fin de Jérusalem
Le règne de Manassé
La précédente fiche se terminait avec le règne d’Ezéchias, dont nous avons vu qu’il avait été l’occasion d’importantes réformes sur le plan religieux, et d’une tentative d’indépendance politique vis à vis de l’Assyrie. Cette dernière entreprise avait failli se terminer en catastrophe et Jérusalem avait échappé de peu à la reddition lors du siège. A Ezéchias succède en 687 son fils Manassé. Son règne va être très long (jusqu’en 642) et résolument orienté à l’encontre de la politique de son père. Cela va commencer par une soumission totale à l’Assyrie. Cette dépendance politique va s’accompagner d’une forte pénétration des cultes étrangers. Le livre des Rois rapporte qu’il ne s’agit pas seulement d’un laisser-aller mais bien d’une contre-réforme active que mène le roi. |
2R 21 2 Il fit ce qui déplaît à Yahvé, imitant les abominations des nations que Yahvé avait chassées devant les Israélites. 3 Il rebâtit les hauts lieux qu'avait détruits Ezéchias, son père, il éleva des autels à Baal et fabriqua un pieu sacré, comme avait fait Achab, roi d'Israël, il se prosterna devant toute l'armée du ciel et lui rendit un culte. 4 Il construisit des autels dans le Temple de Yahvé, au sujet duquel Yahvé avait dit : "C'est à Jérusalem que je placerai mon Nom." 5 Il construisit des autels à toute l'armée du ciel dans les deux cours du Temple de Yahvé. 6 Il fit passer son fils par le feu. Il pratiqua les incantations et la divination, installa des nécromants et des devins, il multiplia les actions que Yahvé regarde comme mauvaises, provoquant ainsi sa colère. 7 Il plaça l'idole d'Ashéra, qu'il avait faite, dans le Temple au sujet duquel Yahvé avait dit à David et à son fils Salomon : "Dans ce Temple et dans Jérusalem, la ville que j'ai choisie dans toutes les tribus d'Israël, je placerai mon Nom à jamais." |
Bien évidemment, cette invasion massive de l'idolâtrie va entraîner une réaction de rejet dans les cercles nationalistes fidèles à la pensée d'Ezéchias. Manassé va réprimer violemment ce mouvement et son règne restera connu comme un temps de persécution:
2R 21 16 Manassé répandit aussi le sang innocent en si grande quantité qu'il inonda Jérusalem d'un bout à l'autre, en plus des péchés qu'il avait fait commettre à Juda en agissant mal au regard de Yahvé.
La tradition juive rapporte que le prophète Isaïe aurait été mis à mort sous le règne de Manassé, mais cette information n'est pas vérifiable.
Tout n'est pas clair dans le règne de Manassé, et le livre des Chroniques rapporte un épisode curieux: l'arrestation du roi et sa déportation à Babylone: 2Ch 33 11 Alors Yahvé fit venir contre eux les généraux du roi d'Assyrie qui capturèrent Manassé avec des crocs, le mirent aux fers et l'emmenèrent à Babylone.
Les historiens se demandent s'il n'y a pas un fait historique derrière cet élément ignoré du livre des Rois. On a d'autres exemples de rois locaux qui ont été arrêtés, déportés quelque temps puis remis en fonction. La mention de la déportation du roi à Babylone et non à Ninive n'est pas anachronique, mais peut correspondre à l'époque du soulèvement de Babylone contre l'Assyrie, soulèvement efficacement réprimé qui déplaça durablement l'état-major assyrien dans la capitale babylonienne.
Le fils de Manassé, Amon, marcha exactement dans la même politique que son père, mais il ne régna que deux ans. Il fut victime d'un assassinat, mais contrairement au royaume de Samarie qui admettait les coups d'état, celui-ci échoua et les assassins furent mis à mort par la populace. Tant et si bien que son fils Josias se retrouva sur le trône à l'âge de 8 ans en 640.
Le règne de Josias et la réforme
Après un temps de régence, Josias décide de changer radicalement de politique et de renouer avec les principes d'Ezéchias. Il faut dire que l'Assyrie commence a avoir de grosses difficultés avec les Mèdes et les Scythes. En 626, l'invasion bat son plein et Ninive échappe de peu à la destruction. A partir de ce moment, l'Assyrie ne va cesser de décliner jusqu'à la chute de Ninive en 612. Le temps est donc propice pour une réforme politique et religieuse. Josias va profiter d'une opportunité exceptionnelle, la découverte du livre de la loi dans le Temple en 622. La réforme de Josias va prendre une nouvelle ampleur et s'attacher à détruire systématiquement toutes les traces de l'idolâtrie du temps de Manassé. Josias va profiter du déclin assyrien pour étendre sa réforme sur le territoire de Samarie. Ce sont les sanctuaires périphériques qui sont particulièrement visés, et la réforme de Josias est avant tout une entreprise de centralisation autour d'un seul lieu de culte légitime: le Temple de Jérusalem. |
2R 22 8 "Le grand prêtre Hilqiyyahu dit au secrétaire Shaphân : "J'ai trouvé le livre de la Loi dans le Temple de Yahvé." Et Hilqiyyahu donna le livre à Shaphân, qui le lut." 9 "Le secrétaire Shaphân vint chez le roi et lui rapporta ceci : "Tes serviteurs, dit-il, ont fondu l'argent qui se trouvait dans le Temple et l'ont remis aux maîtres d'oeuvres attachés au Temple de Yahvé." 10 "Puis le secrétaire Shaphân annonça au roi : "Le prêtre Hilqiyyahu m'a donné un livre" et Shaphân le lut devant le roi." Josias a commencé son entreprise de restauration du culte de Yahvé en restaurant le Temple souillé par Manassé. Lors des travaux, on met la main sur un livre dissimulé et apparament oublié de tous, même du clergé: le "livre de la Loi". Il s'agit très probablement du texte ancien du Deutéronome: le livre de la Loi amené à Jérusalem par le clergé de Samarie réfugié lors de la chute de la ville. Ce livre a du être caché lors de la persécution de Manassé et puis oublié. Sa redécouverte alors que Josias entreprend sa réforme apparaît comme une confirmation divine du bien fondé de cette dernière. |
Cependant, le règne de Josias va se terminer tragiquement. En 612, Ninive tombe et l'empire assyrien agonise sous les coups de Mèdes et des Babyloniens. Par un curieux renversement d'alliance, le pharaon Néchao décide de se porter au secours de l'Assyrie contre Babylone et fait monter ses troupes par la route la plus courte, à savoir Canaan. Josias essaye d'empêcher la jonction des troupes assyriennes et égyptienne et attaque Néchao lors du passage du verrou de Megiddo. Pressé d'avancer le pharaon tente de négocier, mais Josias refuse et c'est le combat. Les forces judéennes sont balayées et Josias est mortellement blessé (609).
Le temps du protectorat égyptien (609-605)
La mort prématurée de Josias laisse la réforme en plan et pose immédiatement un problème de succession. Son fils aîné Eliaqim aurait du régner, mais le peuple n'en veut pas et donne le trône à son frère Joachaz (appelé aussi Shallum en Jérémie 22,11). Probablement parce qu'il le pressent hostile comme son père à l'Egypte, Néchao dépose immédiatement Joachaz et l'envoie prisonnier en Egypte. Il place sur le trône son frère aîné Eliaqim dont il change le nom en Joyaqim (le sens ne change pas: "que Dieu élève" en "que Yah élève") pour bien montrer que le roi de Juda est son vassal.
(trouve la mort en 609 à la bataille de Meggido contre les Egyptiens) Il laisse trois fils : |
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Elyaqim | Joachaz | Mattanya |
Son fils aîné doit normalement lui succéder, mais le peuple n'en veut pas et le dépose immédiatement. |
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Joachaz (Shallum) Le fils cadet de Josias succède donc à son père, placé sur le trône par le peuple. Mais il ne convient pas aux Egyptiens qui sont les maîtres incontestés de la région après la bataille de Meggido. Le pharaon dépose donc Joachaz après trois mois de règne et l'emmène en captivité en Egypte. |
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revient donc au pouvoir, mais sous la stricte tutelle des Egyptiens. Pour montrer son pouvoir, le pharaon change son nom en Joïaqim Il régnera jusqu'en 598/597. Alors que la ville est assiégée par les Babyloniens, il meurt et son jeune fils Joïakîn lui succède mais pour régner seulement trois mois avant la chute de Jérusalem en 597 |
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Mattanya
le troisième fils de Josias arrive alors au pouvoir et Nabuchodonosor, roi des Babyloniens, change son nom en Sédécias |
En pratique, la mort de Josias marque la mort de sa réforme, avec en plus une grande question: pourquoi ce roi si juste est-il mort prématurément ? Pour beaucoup, cette mort brutale apparaît comme un châtiment divin contre un roi "impie" qui a détruit les sanctuaires périphériques. De fait, la réforme est abandonnée et les cultes syncrétistes reviennent en force.
Du point de vue politique, la chute de l'Assyrie laisse un grand vide que Babylone ne peut pas encore combler. La seule grande puissance qui reste est l'Egypte et à Jérusalem se met en place un parti pro-égyptien qui prône l'alliance avec elle. Pour eux, l'Egypte apparaît comme la seule garantie devant des temps qui s'annoncent troublés.
Cependant, en 605, Néchao est sévèrement battu par les Babyloniens à Karkémish et il rentre en Egypte dont il ne ressortira plus. En quelques années, la puissance babylonienne s'impose sans contestation sous le règne de Nabuchodonosor.
Le temps des Babyloniens (605-597)
Très logiquement, Joyaqim devient le vassal de Babylone : 2R 24 1 De son temps, Nabuchodonosor, roi de Babylone, fit campagne, et Joiaqim lui fut soumis pendant trois ans puis se révolta de nouveau contre lui.
En pratique, l'Egypte travaille en sous-main grâce à ses partisans pour soulever Juda contre la suzeraineté babylonienne. Devant la révolte des roitelets de la région, Nabuchodonosor met le siège devant Jérusalem.
Joyaqim meurt et son fils Joyaqin lui succède. En 597, il doit se rendre à Nabuchodonosor après seulement trois mois de règne. C'est la première déportation à Babylone: le roi, sa famille, les hauts fonctionnaires et les métallurgistes. Le Temple est mis à sac et son trésor prend aussi le chemin de Babylone. On est entré dans le temps de l'exil.